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Écrits de Marc Hodges
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1 novembre 2014

pressions sociales

J’ai déjà eu l’occasion de dire dans une de mes pages précédentes que mon père, formé à l’école républicaine, était farouchement laïque et je ne suis pas loin de penser que, si sa dignité d’instituteur ne l’en empêchait pas, il serait aller se joindre à la poignée de vieux radicaux qui, alors que les rangs de séminaristes en soutanes traversaient la ville, se plaisaient à coasser sur leur passage, ce à quoi, invariablement, un de ces jeunes apprentis-prêtres, répondait par la réplique rituelle : « lorsque les corbeaux passent, la charogne n’est pas loin… ». Ma mère, elle, était plus ambiguë, fille de la campagne, élevée dans une religiosité plus rituelle que sincère et basée sur un sentiment permanent de peur et de soumission, elle n’osait dire qu’elle était croyante. Tout au plus consentait-elle à dire quand une de mes sœurs ou moi-même l’interrogions sur ce point, « qu’il devait bien avoir quelque chose, que ni les poules ni les veaux n’apparaissent dans l’air, que le monde ne s’était pas fait tout seul… » Argument ultime que mon père, malgré toute sa rationalité scientifique n’arrivait pas à démonter, celui de l’origine. Dieu échappant à toute expérimentation et la foi à toute analyse, ils n’en parlaient donc jamais et le consensus de notre famille était de ne pas pratiquer.

Pourtant, les pressions sociales ne peuvent jamais être totalement ignorées et Mende étant, avec ses deux séminaires, ses neuf couvents, ses écoles catholiques et ses dix églises, une ville particulièrement catholique où l’on racontait encore avec effroi comment, au seizième siècle, le capitaine protestant Merle, venu des Cévennes toutes proches avait mis la ville à feu et à sang et avec fierté que la commune toute proche de Montferrand avait, au château familial de Grizac, donné le jour à un cardinal de Valence et, sous le nom d’Urbain V, à un pape botaniste. D’Avignon, il est vrai, mais pape tout de même.

Il n’était donc absolument pas question, quelle que soit sa position vis à vis de l’église, de manquer à certains rituels qui, si en apparence ils marquaient une appartenance à une religion, indiquaient bien davantage celle d’intégration à une communauté. En 1934, comme tous ceux de ma classe d’âge, je devais faire ma communion solennelle avec tout le rituel alors préliminaire : deux ans de catéchisme avec une vieille religieuse débordée et naïve, deux semaines de retraite avec un jeune prêtre qui nous emmenait dans un monastère de campagne pour prier, mais aussi pour passer une grande partie de la journée à courir les bois. Tout cela ne m’a pas léissé des souvenirs très précis comme si, en fait, il ne s’était rien passé. Le seul souvenir que j’ai conservé avec acuité, c’est le choix du costume de communiant avec ma mère. Pour la première fois de ma vie j’allai chez un tailleur qui me traita comme un client important ; pour la première fois de ma vie j’allais avoir des pantalons longs ; pour la première fois de ma vie on me demanda de choisir le tissu dont j’allais être revêtu. Je me souviens parfaitement de mon choix qui se porta sur une matière dont je ressens encore la douceur et dont j’appris aussi que c’était une flanelle de laine. Nom qui me semble encore aujourd’hui porter à la fois la douceur et le luxe. Quant à la couleur, alors qu’om me proposait l’éternel et rituel bleu marine (ma mère disait : « ça se porte facilement en diverses occasions… ») je choisis avec audace un gris souris assez inhabituel et réfutais tous les arguments qu’on opposait à mon choix. Je revois encore avec précision ce costume à la veste croisée comme s’il était encore dans une de mes armoires.

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