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Écrits de Marc Hodges
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12 octobre 2014

Sur le chemin de La Garde, 13 heures 21

Dans la lente respiration sourde des bois, il entend la voix de tous ses ancêtres. Le calme est si pur qu'il entend avec beaucoup d'éclat des bruits lointains : branche qui craque, aboiement de chien, clochette de mouton. Rien ne le justifie. La paix descend en glissant des sommets des collines et l'enveloppe. La nature, qui a choisi mollesse et douceur, sait parfois devenir rages et ruptures. Il aimerait savoir tout réinventer. L'avenir n'impose pas son évidence. Il lui semble entendre la pulsation du monde. Le malheur le renvoie à lui-même. Tous cherchent à travers l'apparence, quelque chose de solide, capable de résister à l'effritement. Une ombre courant devant lui, sans qu'il en voit la cause, sur la route blanche et déserte au soleil, le fait tressaillir. Les murs bas et gris de fermes isolées creusent une lumière sèche et dure. Ses rêves se mêlent à la réalité. Il ne doit rien écarter de lui. Tous les jours lui sont sacrés. Il désire l'orgueilleuse solitude que figure l'isolement presque absolu du plateau. Des nuages pommelés couvrent à demi le ciel, leur frange supérieure découpe doucement le soleil. Le long silence lui est une bonne chose folâtre. La vie passe. Le temps ne peut pas vraiment compter. Il est là et ce n'est l'affaire de personne de se préoccuper de sa présence. Colline après colline transforme la beauté en distance rendant impossible de savoir quel miracle pourrait se produire. Cela fait trop de preuves pour douter. Sa conscience d'exister s'accompagne de la crainte de mourir. Tous ses souvenirs sont pris dans les ronces grisâtres de son cerveau. Il se force à se redresser, respire profondément… Il se souvient de tout ce qui lui a été dit. Des étendues, des étendues de petits plis, des étendues de perplexité, de désolation, de souvenirs… Il rêve que son itinéraire commence où la piste s'efface. Les mots s'entrechoquent dans sa tête. Après d'immenses étendues presque planes, la terre soudain s'effondre en de profonds ravins abrupts qui marquent les limites des mondes. Des cailloux beiges aux éclats ocre jalonnent le chemin. Dans le désert du paysage il regarde marcher ce vieux paysan bossu chez qui, enfant, il aimait tant aller boire une limonade. La notion du temps disparaît, l'avenir vient vers lui comme le passé en un présent unique. Il croit possible, en remontant dans sa sourde enfance, de se remémorer de tels états d'abandon. L'herbe est courte et jaune comme du poil de bête et les buissons pareils à des pelotes de fil de fer. Il est déjà au futur. Le spectacle n'a pas dit son dernier mot. De ci, de là, un pin chétif troue l'herbe jaune. Il chantonne calmement ; il s'attarde, il sourit.… Il pressent des compagnons, des inconnus qui rôdent autour de lui. Bois. Il est entouré d'ombres. De minuscules champs sont soigneusement sertis dans le moindre creux des collines. Il comprend l'immensité de ce vide, le temps de ces déserts ; il pense qu'il n'aimerait pas que ce paysage soit plus habité ; il a même tendance à dire : "envahi". Il se souvient des jours de brouillard sur les jeunes souches. On ne rejoint jamais son passé.

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