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Écrits de Marc Hodges
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18 septembre 2014

j’aime mieux votre haine

Vous êtes de plus en plus nombreux à me donner des nouvelles de Stanislas ou de Zita auxquelles je ne peux souscrire comme si vous aviez trouvé le secret d’ajouter à l’horreur de ma situation mais j’aime mieux votre haine que de vous voir, un seul moment, insensible à mes inquiétudes : le délire des gens n’est point une bassesse du cœur. Il semblerait que leur disparition ait réveillé tant de vieux souvenirs comme si chacun d’entre vous, d’une façon ou d’une autre, projetait sur eux quelques unes de leurs absences, de leurs manques ou même de leurs insatisfactions : d’une certaine façon, mon récit s’installe comme l’exutoire des sentiments perdus. Une amie d’enfance, par exemple, qui un temps, j’ai la prétention de le croire, n’avait pas été insensible à ma séduction m’écrit ainsi : « Peut-être, en ce moment, votre persécuteur travaille à nous désunir, et prépare le poignard dont il doit nous immoler tous deux ». D’autres, moins solennellement lyriques m’envoient des relations dont je ne parvient à déterminer si elles sont des exposés de faits ou des tentatives de fictions : « Je dois vous raconter ce qui m’est arrivé récemment à Venise, m’écrit ainsi une dame qui se présente comme Raymonde Troussonne « body-artiste », je suppose que vous qui avez tant voyagé, connaissez cette ville. J’y vais personnellement à toutes les biennales. Vous savez aussi que c’est le lieu de rencontre de tous les artistes en vue d’Europe, peut-être même du monde. Cette année j’y ai d’ailleurs surtout apprécié Cy Twombly… Mais, passons… Je faisais donc une performance sur le petit pont qui relie les jardins publics où sont les pavillons d’exposition et l’île du quartier Santa Elena : vêtue d’une robe de coton blanc légère et disposant de seaux de plastiques emplis d’eaux de couleurs diverses, je m’inondais au hasard de l’une d’elles qui à la fois colorait ma robe et, la faisant adhérer à mon corps, en mettait en valeur la plastique. Je procédais alors à un lent strip-tease qui révélait mes tatouages et mes piercings puis avec une corde à linge, plongeai ma robe dans le Rio dei Giardini jusqu’à ce qu’elle redevienne à peu près blanche ; lorsque, sur le parapet du pont, elle avait séché au soleil , je recommençais le processus. Modernisant à la fois le mythe de Vénus et les rites du baptême, je travaillais sur les traces et la mémoire, affirmais la valeur purificatrice de l’art… Mais passons, là n’est pas l’essentiel. Je procédais ainsi depuis deux jours lorsqu’une femme d’une quarantaine d’années, cheveux courts tricolores, lunettes de soleil rouge vif, portant à la lèvre inférieure un bijou d’or fait des deux mots « why not », vêtue d’un body et d’un corsaire blanc très serrés, sans que je ne lui demande rien, prit un de mes seaux et, après m’avoir inondée, s’aspergea elle-même : nous accomplîmes ensemble la suite de la performance. Je trouvai cela à la fois excitant et symbolique : cette spectatrice avait, sans aucun doute, compris le sens profond de ma démarche et, par son acte, mettait en évidence la tension intrinsèque à l’acte de communion. Nous avons procédé ainsi tout le jour. A la fin de l’après-midi, comme je lui proposai d’aller manger avec moi quelque chose, elle se présenta : « Zita Avarescu ». Je pensai aussitôt à vous mais, préférant attendre un peu pour en savoir davantage, je ne lui en dit rien. Nous travaillâmes ensemble durant trois jours. Le quatrième, sans que rien ne le laisse prévoir, sans me donner le moindre signe de vie, elle ne revint pas : je ne l’ai plus revue… Ne trouvez-vous pas cela étrange ? » Que dire à de tels courriers ? Que faire d’autre que patienter ?

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