Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
Visiteurs
Depuis la création 98 712
Archives
24 août 2014

Lire - écrire

Hier j’ai parcouru pendant des heures les livres de mes bibliothèques me demandant lesquels m’avaient été indispensables et ceux que je n’avais pas oubliés. J’ai dû conclure que, mis à part les livres de mon adolescence qui furent comme autant d’initiations, bien peu auront compté dans ma vie. Pourquoi alors ai-je passé tant de temps à lire ? La fonction de la lecture n’est-elle que d’effacement, de soustraction aux pressions du monde, un soporifique bio ?

Le temps redevient incertain et moi… je ne suis plus sûr de rien. Après un rêve très étrange cette nuit où je me retrouvais en même temps, indissolublement, adulte et écolier, je doute de ce que je fais. Écrire sa vie, à 90 ans, est-ce bien raisonnable d'autant qu'elle n'intéresse que peu de monde (peut-être quelques centaines de "lecteurs" depuis le début) mais que faire d'autre ? Il me faut bien faire semblant de croire que mon cerveau, qui fonctionne, peut encore être utile à quelque chose… Sinon ?… Mais plus je vieillis, moins j'ai envie de produire. Il y a quelques années j'avais une idée par minute, aujourd'hui… J'ai perdu trop de neurones. Je me traîne lamentablement entre deux souvenirs dans un espace de mémoire où, comme tout vieillard, j’ai peur de radoter. J’ai quelque peine ainsi à me remémorer comment je suis entré en littérature comme d’autres en religion.

Mes parents étaient persuadés que le fait de n’être plus pensionnaire me devait être une joie. Il n’en fut rien. Je me trouvais soudain avec une plus grande liberté dans l’espace de laquelle les fantasmes que suscitaient le pensionnat n’avaient plus cours. Je me heurtais à cette apparence de liberté comme à un mur car, parmi les externes Roger était mon seul véritable ami — car Antoine était une relation davantage entretenue par ses parents qui attendaient de moi une influence positive sur leur fils — et je ne pouvais avoir avec lui les comportements que j’avais avec mes camarades internes. De plus j’étais retombé sous la coupe de mes parents qui, loin d’être plus lâche que celle de l’encadrement du pensionnat, était, de par leurs affirmations d’amour, bien plus exigeante. Mon père et ma mère croyaient devoir encore me protéger du monde alors que, par l’expérience du pensionnat, j’avais construit une indépendance qu’ils étaient loin d’imaginer. Pourtant — étais-je trop jeune encore ? — je ne me révoltais pas mais me jetais à corps perdu dans la lecture. Peu à peu, l’imaginaire des mots produisit la fausse réalité dans laquelle je m’épanouissais et qui m’isolait peu à peu des autres préadolescents. Passer de la lecture à l’écriture me semble avoir été ainsi comme quelque chose de naturel : écrire n’était que l’autre versant de la lecture. Cela se fit très naturellement. Lisant beaucoup j’avais acquis une grande richesse de vocabulaire et la variété immense des récits m’avait donné une grande imagination qui me permettait de bien réussir l’exercice scolaire de ce qu’on appelait alors la rédaction. La professeur citait souvent mon travail en exemple, me demandant parfois d’en lire à la classe quelques exemples. Même si cela me valait beaucoup de moqueries des autres élèves, j’avoue que j’en étais assez fier. Mes parents n’étaient pas en reste. Si je me souviens bien, je débutais ma première tentative romanesque à la suite d’une rédaction qui m’avait valu une avalanche de compliments de notre professeur ainsi que, pour la première fois, de sa lecture par elle-même. Le sujet était quelque chose comme « racontez une aventure personnelle que vous considérez comme importante ». J’avais choisi de rapporter mon initiation aux vipères.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité