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Écrits de Marc Hodges
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31 juillet 2014

Comment croire une chose inconcevable ?

Dernière conférence aujourd’hui à l’Université. Avant d’y aller, je me suis promené dans le Slottspark : les norvégiens ont le sens de la nature et le moindre rayon de soleil les précipite nus sur l’herbe et sous les arbres. J’aurais bien aimé aller me perdre dans quelque fjord : je n’ai pas eu le temps, suis resté cantonné à Oslo. Je me suis un peu promené dans les rues, m’attardant ici ou là, près du marché en plein air, pour écouter des jeunes jouer du darabouk, faire des tours de jonglerie ou dire des poèmes. Une jeune fille, notamment, vêtue en Colombine et dont la voix me rappelle étrangement celle de Zita — ce pourrait être elle, ça ne l’est pas. Du moins je ne veux pas penser que ce le soit :

« Fiecarei fiinte sa-i strig : deschide-te, prmieste-ma, ingaduie sa te patrund si sa fim una !… Je voudrais crier vers tout vivant : ouvre-toi, reçois-moi, autorise-moi à te pénétrer, de faire un avec toi !… »

Comment croire une chose inconcevable ? Pourquoi Seigneuret (ou un autre) est-il dans ce récit (et Jouannault), qui est qui ? Des choses monstrueuses peuvent toujours arriver car tout homme accepte d'être tout à fait mortel, sans résurrection et toute vie, même si le destin envoie parfois des signes, n'est rien de plus qu'une somme d'histoires aléatoires ! Les choses se défont si facilement et rien ne recommence jamais : l'homme lutte chaque jour contre les traumatismes de la réalité. Que dire d'autre, tout est si imprévisible dans les affaires humaines ; chaque heure scelle le destin car vie et mort sont deux bêtes jumelles ; les processus suivent des lois impitoyables et n’ont pas de morale : tout ramène à la solitude, survivre est le seul triomphe… Tout être n'est que parce qu'il est un enfant de la mort, aussi pas la peine de commencer quoi que ce soit : le temps a ses limites qui fixe seul un terme à l'étrangeté du hasard... La vie flambe par les deux bouts, l'homme est un déchet de la vie ! Entre ses deux extrêmes, il y a le temps, le changement, seule constante.

« puteam sa fiu tot ce vroiam dar numai o secunda si doar un singur lucru si acel singur lucru intr-o singura secunda… Je pouvais être tout ce que je voulais mais une seule seconde et une chose seulement, cette seule chose dans une seule seconde… »

Que dire d'autre : la vie humaine est une construction subtile, l'homme est un déchet de la vie. Tout homme craint d'être entièrement mortel, sans résurrection... Pourquoi doit-il toujours regarder sa mort droit dans les yeux ? Car l'être humain n'agit qu'en fonction d'une durée bornée et à tout instant des centaines de milliers d'hommes meurent ; il est vrai que les hommes périssent ?… Mais l'heure de la défaite ne sonne pas en même temps pour tous : le temps est seul responsable... L'homme se contente de l'arbitraire et ne peut rien contre l’anxiété : chaque jour des milliers de gens sont tués, les choses n'ont pas beaucoup changé depuis la création du monde... Les révolutions naissent et meurent, les haines et les passions passent… parce que l'un doit survivre à l'autre, l'homme se laisse mystifier : quelqu'un quitte la vie, quelqu'un d'autre y fait son entrée : la mort est la seule vraie pierre de touche du l'être, or la méditation de la mort n'apprend pas à mourir... A chaque moment tout recommence à zéro ; l'être humain n'a une détermination qu’imaginaire, sa réalité est un yo-yo ; tout a ses limites…

Rien de ce qui paraît invraisemblable ne l’est vraiment et il vient un moment où l’esprit ne sait plus s’il est ce qu’il s’invente ou s’il invente ce qu’il est… Je sais aujourd’hui que nous nous sommes englués dans cette histoire comme des mouches dans du miel : quoi que nous fassions désormais, nous serons de plus en plus piégés car tout mouvement dans un sens ou l’autre renforce nos dépendances et nous devons désormais admettre que la causalité n'est pas le démiurge qui régit l'univers : il n’y a pas de raisons qu’au fil du temps se simplifie la compréhension des êtres et des événements… Peut-être, au fond, n’avions-nous rien à faire ensemble et le hasard qui nous a réunis un temps autour de ce récit n’est qu’une ruse supplémentaire de ces dieux qui jouent avec nous comme des enfants avec des coccinelles. Vous me dites ne pas savoir où je vous mène : la réciproque de cette proposition est également vraie. Mais est-il toujours nécessaire de connaître les causes et les raisons des choses ? Peut-être, après tout, est-ce le vrai message d’un Stanislas ayant fini par ne plus se distraire en rien d’autre que dans une manipulation gratuite de ses semblables.

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