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Écrits de Marc Hodges
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9 juillet 2014

beauté bienveillante de la profonde baie d’Oslo

Justin Jouannault est certain de faire partie d'une caste supérieure, il ne travaille que pour lui-même, admire Steve Wosniak mais a toujours besoin de revenir en arrière, passe ainsi une partie de son temps à trier des papiers que lui ont laissé ses parents car il n'a plus guère pour souvenir d’eux que quelques photos... Les Jouannault ont toujours eu besoin l'un de l'autre — bien qu'il n'ait rien à faire Justin Jouannault est toujours très occupé… Regarde souvent une photo de tombe juive portant l'inscription "Nathan Jouannault — 1754-1812 » ; les Jouannault ont autrefois habité un château de vingt pièces. Il a le goût du mystère, sait des choses que personne ne sait, vit dans le passé; adore vivre dans cette région qu'il s'est choisie; pour lui — peut-être parce qu'ils n'en a pas et n’en a pas besoin — l'argent ne compte pas, il vit de peu. Justin Jouannault ne sait que faire des sentiments qu'éprouvent les autres êtres humains. Cette année-là, il pense avoir rencontré son destin; trouve peu d'intérêt à ses contemporains. Justin Jouannault n'a aucun ami, il est plutôt taciturne.

Romuald Rudunculus a trois enfants dont il ne s'occupe pas vraiment : il n'a pas de problèmes d'argent, mais l'argent n'est pas pour lui une motivation quelconque... Romuald continue à vivre avec sa femme parce que c'est comme ça et qu’il est impensable dans son milieu qu’il en soit autrement. A cinquante-quatre ans et demi, Rundunculus a encore de l'innocence, une certaine capacité de fièvre. Il n'a rien de remarquable, est laid comme un crapaud, n'a épousé une fille Serbanenco que sur le tard ; n'a pas pour sa femme beaucoup d'admiration — il y a pourtant plusieurs années qu'il n'a pas de maîtresse même s’il rêve souvent de longues étreintes amoureuses. Il peut être très rancunier et entretient divers litiges avec plusieurs de ses voisins, ainsi, par exemple, ne pardonne-t-il pas à sa voisine Samia Clairwill de Saumagnes de refuser de lui vendre un petit pré qui forme une enclave dans sa propriété. Son horizon physique comme intellectuel se limite à celui de la diplomatie française — l'espace extérieur lui est une gêne; a besoin de moins de surface respirable que la plupart des hommes même s’il n'éprouve de réelle satisfaction qu'à parcourir ses terres sur son tracteur. Il est presque aussi fermé que les sangliers qui pullulent dans les bois de sa propriété de campagne— les choses les plus simples de la vie lui échappent. La vie ne lui a jamais rien offert de bien palpitant : son seul luxe est d'élever des chevaux. Rudunculus a eu un jour une discussion peut-être trop vigoureuse avec Stanislas au sujet de l’empire ottoman. Il a un besoin caricatural d'ordonner le rythme de ses journées et de pouvoir s’appuyer sur des certitudes qu’il s’est données une fois pour toutes : Romuald Rundunculus croit ainsi vaguement en dieu peut-être parce qu'il estime qu’il le doit. Au fond des choses, il a une vie très solitaire.

Je ne sais si ces portraits font beaucoup avancer mon récit ou, tout au moins, s’il avance comme vous voudriez ! A vous de voir… C’est d’Oslo où j’ai atterri cet après-midi que je vous écris : les débuts d’été sont favorables aux rencontres internationales et je dois ici demeurer cinq jours ; je vais parler, encore et encore… Si vous saviez comme l’écrit, qui va son amble, me repose. Avant de quitter Paris, j’ai effacé de mes disques durs toute copie de ces disquettes Zip qui ne cessent de changer de forme et dont je suis persuadé qu’elles sont à l’origine de la plupart de mes récents incidents informatiques. Mais n’ayant pas encore décidé de ce que j’allais faire, j’ai enfermé les originaux, ainsi que leur copie sur cédérom, dans un coffre de banque… J’ai encore besoin de réfléchir un peu, je vais ce soir aller promener sur le quai de l’Akershus ; la beauté bienveillante de la profonde baie d’Oslo devrait convenir à mes incertitudes.

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