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Écrits de Marc Hodges
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12 mars 2014

lecture du dire


« Parlez-nous de Jean-Baptiste Jeanbernes », m’écrit l’un d’entre vous, plus perspicace ou peut-être mieux renseigné que les autres… Pourquoi pas, mais pourquoi ne pas parler aussi d’Anthelme Anterroche ou de tant d’autres que vous êtes maintenant en mesure de trouver par vous-mêmes… Alors que d’autres m’écrivent : « cette histoire n’avance pas… », « c’est un drôle de roman, je ne comprends pas où vous allez… », « votre récit me fatigue… » ou « Je ne vous suis plus, d’ailleurs je ne sais pas s’il y a quelque chose à suivre… » Tout ceci me rappelle un poème d’Abu Tammam sur la victoire d’Amorium qui débute ainsi : « Le sabre est un meilleur oracle que les livres, son tranchant distingue le sérieux et l’humour. Les lames étincelantes dissipent doute et inquiétude, non les pages noircies… » Il me faudrait trancher dans le vif, vous souhaiteriez que je ne garde du récit que son essence, cette suite d’événements qui, une fois écrite semble logique et cohérente… Mais en fait ce qui m’intéresse, c’est leur incohérence, les multiples bifurcations dans lequel il se perd mais qui, pourtant, sont la chair d’une vie. Comment ainsi résumer l’existence — même relativement courte d’Anterroche — à une simple suite d’événements plus ou moins heureux : naissance en 1955, études classiques, entrée en 1976 à Saint-Cyr Coetquidan, lieutenant de cavalerie en 1979, envoyé en 1983 comme attaché militaire au Liban, aurait conseillé le bombardement par l’aviation française de la caserne chiite de Baalbek, assassiné à Beyrouth fin décembre 1983, promu capitaine en janvier 1984 à titre posthume, médaille militaire… Un tel récit — à la rigueur — se grave, en lettres d’or, sur une pierre tombale : si elle vaut la peine d’être vécue, toute vie est bien autre chose… Au fur et à mesure de mes dépouillements, je me rends compte que les fichiers de Stanislas sont ainsi pleins de noms qui furent autant de vies, de récits aussi complexes à vous rapporter que celui dans lequel je me débats : que voulez-vous que je vous dise ? Vérité dans un temps, erreur dans un autre… et si, quelques temps, j’ai pu m’imaginer que vous, lecteurs, pourriez m’aider à en esquisser richesse et complexité, je dois vous avouer que rien de tel ne s’est réalisé : vous attendez trop de moi. Même si, étrangement, beaucoup de ces vies me furent assez proches — comme si les victimes de Stanislas étaient choisies dans nos environs — je ne les connais pas toutes et suis dans l’incapacité de vous en faire les récits.


Toute intrigue, tout récit — même si, comme le mien, il ne se veut que rapport simplement fidèle — sont les otages de leurs lecteurs : si rien, pour l’homme, n’est jamais sans dire, la lecture du dire ne révèle rien d’autre que sa conscience d’être…

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