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Écrits de Marc Hodges
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4 mars 2014

la bonne explication

Vous me demandez de vous parler un peu plus de Zita… Certes, je l’ai plusieurs fois évoquée et vous la connaissez comme un personnage central de ce récit, mais je ne vous ai jamais vraiment, jusque là, rien dit d’elle. En fait je l’ai surtout connue au travers des paroles de Stanislas dont le moins qu’on puisse dire était qu’elles ne pouvaient être objectives. Ce n’est qu’en juin 1987 que je l’ai rencontrée pour la première fois : elle venait de s’évader de Roumanie, ne vivait en France que depuis un mois et Stanislas voulait absolument me la faire connaître car, devant repartir en Ouzbékistan, il craignait qu’elle ne se sente seule à Paris. D’une certaine façon, c’était me la confier… Physiquement, elle était bien telle qu’il me l’avait toujours décrite : belle, très brune, des yeux très clairs entre le jaune verveine et le vert d’eau, des lèvres un peu charnues à la sensualité indéniable, un port de tête altier sur un cou élancé, une démarche aérienne de danseuse… elle avait alors vingt-six ans, parlait un français impeccable. Enjouée, agréable, très vive, l’esprit pétillant, dès que je la rencontrai, je me sentis à l’aise avec elle et me réjouis de la revoir… En fait, durant les quinze jours d’absence de Stanislas, je ne réussis à l’inviter à mon domicile qu’une seule fois : non seulement j’étais, comme toujours, très occupé mais, à ma grande surprise, elle s’avéra elle-même peu disponible. Soit ma compagnie, celle de ma femme — les deux ?… — ne lui convenaient pas vraiment, soit elle préférait rester seule, soit elle avait autre chose à faire. Il est vrai que la communauté d’exilés roumains était alors, à Paris, assez conséquente ; mais peut-être n’est-ce pas la bonne explication. Par la suite nous nous sommes revus quelquefois avec Stanislas, beaucoup plus rarement seuls, en fait il me semble même que cela ne nous est arrivé qu’en deux circonstances, une fois, par hasard, lorsque, revenant d’une réception officielle de je ne sais plus quel ambassadeur au quai d’Orsay je suis tombé sur elle descendant la partie haute du boulevard Saint Germain et que nous avons pris le temps de boire un café ensemble ; une autre à l’occasion d’un anniversaire chez des amis, les Rudunculus, que je ne nous savais pas communs. Ce devait être un an plus tard, quelques mois avant qu’elle ne disparaisse : je me souviens avoir été étonné de la facilité avec laquelle elle s’était introduite dans le monde assez fermé de la diplomatie française. Mais, dans cette soirée, où Romuald fêtait la naissance de son troisième enfant, il y avait tant de mondes, j’étais tellement sollicité par les obligatoires mondanités que je n’ai échangé avec elle que très peu de mots. J’ai cependant remarqué l’absence de Stanislas et l’aisance qu’elle manifestait dans ce milieu qui aurait dû lui être étranger ; je me souviens avoir pensé alors que l’éducation sociale d’une fille d’apparatchik communiste valait bien celle d’une fille de haut fonctionnaire occidental et qu’il y avait entre elles moins de différences culturelles qu’entre cette même fille de fonctionnaire et celle de sa concierge ou de son jardinier.

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