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Écrits de Marc Hodges
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28 décembre 2013

langue de bois

J’ai dû, sans vous écrire, laisser passer quatre jours; plutôt sans vous envoyer mes écrits… Peut-être avez-vous apprécié cette interruption car je soupçonne tout ce que cet échange quotidien doit avoir de fastidieux ou de monotone. Avec, en un seul jour, cinq courriers, vous allez vous sentir débordés, agressés même : j’en jugerai à vos réactions !…

Les jours précédents, je me suis un peu laissé entraîner par mon clavier, l’effet lyrique de la nature certainement ; l’air de la ville me rend plus réaliste… Revenons aux faits ou du moins à ce que, par Stanislas, j’en connais… Zita partie, Stanislas, ne veut plus rester à Tachkent, se prépare à regagner Moscou, puis Paris le lendemain. Il est chez son grand-père, dans l’assez grand appartement que celui-ci occupe dans un immeuble de béton où sont logés la plupart des officiers supérieurs ; celui-ci donne une petite fête en son honneur : pilaf et vodka. Position du grand-père oblige, il y a là beaucoup d’hommes importants de la ville et même de la région. Stanislas en connaît la plupart, notamment l’officier de renseignement auquel il a eu affaire l’année précédente. La discussion est banale, personne ne se risque à sortir de la langue de bois admise, les toasts se succèdent qui chantent les louanges convenues de Stanislas qui, à son tour, exalte l’internationalisme, la paix et l’amitié entre les peuples. Le pilaf fini, avant que n’arrivent les chautus, les pâtisseries au miel et aux pâtes d’amande, l’officier de renseignement manifeste le désir d’aller fumer une cigarette sur le balcon, il se lève, fait un signe discret à Stanislas qui dit, à son tour, que c’est une bonne idée. Le grand-père a tout remarqué, il ne dit rien. Les autres convives ne bougent pas. Stanislas et l’officier de renseignement se retrouvent sur le balcon, l’air est très frais, un peu humide, ils referment leurs vestes : « Stanislasdjan, je voulais vous parler, vous avez fait du bon travail, nous sommes très contents de vous, vous rendez de grands services à notre pays et à notre cause, je vous en remercie… » Stanislas ne dit rien, il n’a rien à dire car il sait qu’il ne peut rien dire, il s’accoude sur la balustrade, laisse son regard se perdre sur l’obscurité des toits de la ville. Il y a un temps de silence, l’officier allume une papriska, une cigarette à long embout de carton, lui en offre une. Stanislas refuse. L’homme prend son temps puis poursuit : « Nous comptons encore sur vous et nous savons que vous le comprenez ; nous savons aussi que vous n’ignorez pas pourquoi vous nous aider et que, pour cette raison, nous pouvons compter sur vous… Nous vous considérons comme un des nôtres et notre amitié me permet d’être franc… Vous n’ignorez certainement pas que nous savions où vous étiez ces temps-ci. Nous savons tout en effet, sur vous comme sur tout le monde. Nous pouvons donc parler clairement : nous n’avons pas grande confiance en cette roumaine, cette Zita Avarescu que vous voyez pour la troisième fois… Nous sommes presque sûrs que ce n’est pas une bonne camarade. Nous pensons que le peuple roumain se trompe de direction et nous ne voudrions pas qu’elle vous utilise. Par amitié pour vous, par respect pour votre grand-père, nous l’avons laissé venir cette fois. Ce sera la dernière… La camarade Avarescu n’est pas la bienvenue chez nous… » L’officier se tait, tire une dernière bouffée de sa cigarette, retourne dans l’appartement. Stanislas reste seul sur le balcon, fixe la masse noire du ciel sans étoiles. Il a froid soudain, il rentre. Son grand-père le suit des yeux, ne dit rien…

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