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Écrits de Marc Hodges
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20 novembre 2013

L’amour comme religion

Stanislas aimait à me parler de ces dix jours d’amour vécus avec Zita dans l’entière solitude de leur campagne ouzbek et, même si — peut-être par jalousie de l’absolu d’un bonheur que je n’ai jamais connu — je m’ingéniais à le ramener sur le terrain plus terre à terre de l’érotisme, il ne se lassait pas de m’en rapporter des moments dont je ne parvenais pas toujours à comprendre l’importance : «Nous vivions un bonheur miraculeux mais, parce que le temps nous était compté, nous savions devoir sucer jusqu’à la moelle chaque seconde commune et cela leur donnait une intensité acérée. Tout nous paraissait neuf, nous savions chaque moment unique et, tel un vieux vin noble, le dégustions à lentes goulées gourmandes… L’orgasme dans lequel l’amour finissait par nous anéantir n’était ainsi que le long aboutissement d’un partage sans fin d’infimes jouissances : un rayon de soleil enflammant une branche gainée de givre, des traces de pas d’oiseau sur la jeune neige, les bonds d’un lièvre fuyant vers le crépuscule, les veinures vertes et roses d’un galet repêché dans l’eau glaciale du ruisseau traversant le jardin, tout était source de joies partagées. Je me souviens ainsi d’une matinée sublime où nous avons été éveillés par un rayon de soleil qui, traversant la vitre, venait frapper nos paupières. Le froid était très vif, chaque carreau était entièrement ciselée de dessins de givre, sous la lourde couverture de soie, nous étions enlacés dans la tendre chaleur de nos corps nus et nous n’avions envie ni de nous détacher l’un de l’autre, ni de quitter cette chaleur parfaite pour la température glaciale de la maison… Comme d’habitude, nous avons commencé à nous embrasser, éveiller chacun le corps de l’autre par des caresses tendres, enfin nous parler… Nous avons alors longuement regardé les vitres où, dans chacune d’elle, nous voyions des dessins différents… Zita me dit que ces figures étaient des signes et que, pour connaître notre destin commun, nous devions les interpréter. Ce fut le début d’un long moment de jeu où, à l’éveil du corps, nous avons mêlé le plaisir de l’imaginaire. Chaque image fut le sujet de plusieurs commentaires, de discussions ponctuées de rires et de baisers. Cela dura plus d’une heure jusqu’à ce que l’émoi de nos corps atteint un tel paroxysme que nous nous sommes laissés emprtés par le torrent du désir… Souviens-toi de Pir Sultan Abdal : «Sur sa langue et ses lèvres il y a du miel, mon désir s’est posé sur sa lèvre en bouton… le paradis est inutile à celui qui à vu son visage…» Tu me parles de faire l’amour ; ce dont je te parle c’est de religion… L’amour était alors notre religion et c’est avec ferveur que nous y sacrifiions sans cesse. Si nos corps y prenaient leur part, ce sont nos cœurs qui y trouvaient le plus de jouissance…»

Je crois que je voudrais passer ma vie à la campagne… Je ne suis parti que pour deux jours, et en voilà déjà trois que je suis dans le mas de ma famille… Il est vrai que c’est une maison charmante !…

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