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Écrits de Marc Hodges
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15 novembre 2013

l'amour seul est ma religion

Qu’est-ce qui mérite d’être conservé des traces que, depuis ses premiers dessins d’enfant jusqu’à ses mémoires en passant par ses brouillons d’amour, laisse sans cesse la vie d’un homme ? Ce qui comptait pour Stanislas, n’était ni ses diplômes, ni sa réussite dans les affaires, ni sa vie souterraine que les fichiers qu’il m’a remis m’amène à découvrir avec vous, mais ces dix jours passés avec Zita dont, comme si le sujet était pour lui inépuisable, il m’avait mille fois parlé. Il semblait se souvenir avec minutie de tous les détails, de toutes les minutes, de ce matin par exemple où le soleil traversant la fenêtre semblait se colorer du rose rocou des joues d’une Zita encore assoupie ; de cette brindille glacée par le verglas qu’ils avaient tous les deux, au bord du ruisseau, sucés une après-midi ; de cette image de givre sur une des fenêtres dont ils avaient passé des heures à interpréter les formes comme autant de présages de leur destin commun ; de cette unique bouteille de vin médiocre qu’elle avait rapportée de Roumanie mais qu’ils avaient bu comme un nectar durant leur première nuit d’amour ; de cette soirée plus froide que les autres où, nus sous leurs lourds tchapans de soie matelassés, ils s’étaient tous deux serrés si près du feu de bois qu’un brandon lui avait marqué le visage. Comme elle s’en inquiétait, il lui avait cité Alisher Navoï : «Ne demande pas pourquoi l’amour me tourmente, est-il surprenant qu’une étincelle enflamme la paille ?»… Ainsi intarissable sur les innombrables petits incidents de la vie quotidienne, Stanislas montrait plus de pudeur à me parler de leurs ébats aussi je m’amusais souvent à le taquiner sur ce point : «vous avez dû baiser comme des démons ?» ou «Tu me fais rire avec tes histoires de soleil sur la neige ou de contemplation commune des sommets enneigés, dis-moi plutôt combien de fois par jour vous faisiez l’amour ?». Ne possédant pas l’hypocrisie chrétienne devant les plaisirs du corps, Stanislas ne se fâchait pas, n’esquivait pas non plus la question, même s’il en réprouvait la formulation volontairement vulgaire, il souriait seulement et ajoutait gentiment : «Tu serais trop jaloux si je t’en parlais, sache seulement que les houris seules — ou les péris — du paradis d’Allah auxquels nous ne croyons ni l’un ni l’autre car son amour seul est ma religion, pourraient te permettre d’approcher une idée des jouissances que nous éprouvions ensemble» ; ou «En mon cœur j’enferme, j’enferme les secrets de l’amour et j’en meurs…» ou encore, il s’en tirait par une pirouette, citant par exemple Ibn Zaydun, ou quelque autre poète arabe : «Jeune et belle comme le faon tu nous grises du bouquet de ton vin, mon corps sans fin chantera la douceur de tes flancs…»

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