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Écrits de Marc Hodges
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20 avril 2013

la tentation du politique

Ma dernière réunion à Nîmes s’est terminée vers quatre heures: avant d’aller à l’aéroport, j’ai pris le temps de marcher vers la place aux herbes puis, par la rue des marchands et celle de l’aspic, d’aller jeter un coup d’œil aux arènes. Nous y étions, Stanislas et moi, venus pour la feria de septembre, juste après notre grand voyage de 1981 en Amérique… La plupart du temps, quand je marche ainsi sans but véritable, c’est que quelque chose me préoccupe; marcher active mon cerveau et m’aide à faire le point. Je pensais à Didier Dourraboue, à ceux de cette génération qui, comme lui, s’étaient perdus… A la sortie de nos écoles, nous étions une génération de jeunes loups auxquels l’avenir se livrait. En 1981, la venue au pouvoir de la gauche avait créé des besoins nouveaux, les orientations du nouveau gouvernement exigeaient du personnel neuf; la République manquant de cadres sur lesquels s’appuyer, nous étions bienvenus… La vie nous souriait, nous n’étions pas loin de penser — parce que nous nous savions intelligents, que nous formions une élite intellectuelle, que nous pensions dans le sens de l’histoire…— que tout nous était possible. Nous allions, par notre efficience rationnelle, racheter les maladresses sympathiques mais désordonnées, folkloriques, surtout festives de nos prédécesseurs de 1968 qui, ayant secoué quelques archaïsmes et introduit de la poésie dans la vie politique, avaient, par la théâtralisation de leurs utopies, fait rêver leurs contemporains puis les avaient abandonné à leurs illusions; nous prétendions construire: par une gestion compétente et novatrice, nous avions l’ambition de faire entrer la France dans la vie moderne et de laisser nos marques dans l’Histoire. Nous avions du pouvoir, nous le savions: nous avions l’intention de nous en servir…
Le fiabesque se maîtrise mieux que le réel; les faits résistent, imposent leurs évidences. Le pouvoir est une drogue éloignant du réel avec autant de force que le rêve: il y eut des erreurs difficiles à supporter… A vingt trois ou vingt quatre ans, l’expérience est incertaine, les tentations d’autant plus puissantes que l’on est sûr d’être assez fort pour les contrôler. Entre personnes venues des mêmes milieux, une invitation dans une île du Pacifique, le prêt d’une villa ou d’une voiture de luxe, un voyage à New York en Concorde, quelques cadeaux luxueux, un prêt d’argent à des conditions intéressantes, sont des services naturels et ne peuvent vraiment être considérés comme de la concussion… Robertelli, Dourraboue, Bissonnier, d’autres encore que nous connaissions plus ou moins, éprouvant les violences de la politique, en subirent toutes les conséquences. Certains de notre génération, de nos amis même, furent ainsi piégés; parfois, le payèrent au prix le plus fort: quelques uns surent rebondir, d’autres en furent anéantis.

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