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Écrits de Marc Hodges
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9 avril 2013

quelques renseignements utiles

Évelyne et Santeuil montent dans leur véhicule mais, feignant de partir, font le tour du quartier pour revenir se dissimuler dans un sentier, derrière un ensemble de buissons d’où ils peuvent observer l’entrée de la villa Cottard.

Ils ont attendu une heure, la patience, vertu policière, est aussi un signe d’intelligence (ou une paresse intellectuelle, c’est selon). Ils n’ont rien à se dire, laissent couler l’eau lente du temps: grésillement de la radio de bord, passage de voitures dans la rue, bruit d’un ou deux avions de ligne en altitude… rien ne se passe. Ils ont l’habitude. Ils aimeraient bien se prendre pour des fauves à l’affût mais c’est peut-être un peu exagéré… —On se tire, demande Santeuil ? —Ok, nous perdons notre temps, allons y… Santeuil tourne la clef de contact; petits chocs sur la vitre d’Évelyne: le hasard est un des moteurs du réel des fictions comme de la fiction du réel. Elle se retourne, ne connaît pas l’individu mais il n’a pas l’air dangereux, elle descend sa vitre. Santeuil se retourne: —Monsieur Balpe, bonjour… —Bonjour brigadier… je promenais mon chien, je vous ai vu cachés dans le sentier et je me demandais… —Nous n’étions pas cachés dit Évelyne, nous faisons notre travail, nous sommes là pour tranquilliser les honnêtes citoyens pas notre présence et… —Vous les tranquillisez, vous les tranquillisez… Ne croyez pas que je vous le reproche, se dépêche de dire Balpe, je vous ai vu, c’est tout et je me demandais s’il se passait quelque chose au cas où je pourrais vous être utile… —C’est gentil, dit Santeuil d’un ton neutre comme si cette proposition de Balpe ne l’intéressait pas du tout, mais nous ne cherchons rien de particulier, d’ailleurs nous partons. Il commence à enclencher une vitesse, Balpe se recule quand le brigadier, —intuition policière, flair…— se ravise… —Si, peut-être, vous pouvez nous aider. Balpe se rapproche, se penche à la vitre de la voiture comme s’il voulait faire entrer sa tête… Santeuil prend le portrait robot qu’il avait posé sur le siège arrière, le tend à Balpe: —Est-ce que ce visage vous dit quelque chose? —Oui, bien sûr, on dirait Théo… Je ne voudrais pas dire une bêtise, mais ce portrait lui ressemble vraiment. —Il est aussi beau que ça, ne peut s’empêcher de demander Évelyne? —Il mérite bien son nom, il est très très beau dit Balpe, mais il a quatorze ans et vous savez, la beauté adolescente ne dure pas toujours… Santeuil n’a rien à faire de la beauté  ni des réflexions philosophiques qu’elle suscite, il ne veut pas se laisser embarquer dans des discussions qui ne le concernent pas et dont il craint qu’elles le dépassent; il l’interrompt: —Vous êtes sûr que c’est lui? —Presque!… —Vous pourriez en témoigner? —Oui mais, qu’est-ce qu’il a fait? —Rien de grave s’empresse de dire Évelyne qui se demande comment elle va se dépêtrer de tous ses mensonges, puis elle ajoute: —Savez-vous à quel lycée il va? —Il ne va à aucun lycée, ricane Balpe, les Cottard sont trop biens pour ça: cours à domicile, gouvernante… —Léna, demande Évelyne? —Oui, Léna… cours particuliers si nécessaire… Aucun des fils Cottard ne va dans un lycée. L’aîné est à Harvard. C’est sûrement la seule école qu’ils jugent fréquentable. Santeuil et Évelyne se regardent, ils savent maintenant pourquoi leurs recherches dans les établissements de la ville ont été inutiles. —Et les autres, demande Évelyne, comment ils s’appellent? —L’aîné Alessandro, le second Adrian… Théo est le dernier. —Exotiques, remarque Santeuil! —La mère est grecque, plus exactement Chypriote grecque, dit Balpe. —Pourtant, Marie-Gineste! —Oui, c’est étrange mais vous savez, les fantasmes des parents!
Évelyne a bien noté l’origine chypriote de la mère. Elle se dit que ça colle avec l’hôtel Cyprus, mais elle ne peut rien révéler sans se trahir. Enfin, je tiens une piste, pense-t-elle, ça commence à prendre forme. En plus cette mère qui ne veut pas reconnaître son fils, étrange… Elle n’écoute plus ce que dit Balpe, bavard. Celui-là, il ferait un bon indic, pas besoin de le torturer pour le faire parler…

…d’ailleurs continue Balpe, Théo et son père sont à Chypre en ce moment, le père avait un colloque à Nicosie, il a emmené son fils rendre visite à la famille, ils y vont souvent… Puis-je autre chose pour vous ? — Non, merci dit Santeuil.

Des tiroirs s’ouvrent dans le cerveau d’Évelyne pendant que, tiré par la laisse de son chien, Balpe s’éloigne.

Bien renseigné le voisin!… Trop, c’est trop… Pas besoin d’en attendre davantage…

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