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Écrits de Marc Hodges
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18 janvier 2013

De Balpe à Cottard

La visite chez Jean-Pierre Balpe n’a pas duré longtemps, il les a fait entrer dans le hall luxueux mais peu éclairé de sa maison décoré de toiles sombres et inquiétantes qui la mettent mal à l’aise, mais il ne les a pas invités à aller plus loin; il a débité son chapelet de plaintes: les enfants du docteur Docteur Cottard, —un psychiatre qui ferait bien de s’occuper de sa progéniture— étaient bruyants, sans gêne, ils écoutaient de la musique à deux heures du matin toutes fenêtres ouvertes, réparaient leurs quads et leurs scooters dans le parc en faisant hurler les moteurs, se promenaient nus au vu et au su de tout le monde… etc. Quelques minutes ce récriminations. Il voulait porter plainte. Sans le brusquer, elle l’a découragé: il n’a aucune preuve de ce qu’il avance. La prochaine fois, il faudra appeler un huissier pour mesurer les décibels ou prendre des photos pour prouver ses dires, mais là il n’a aucun élément solide. Elle le croit sur paroles, bien sûr, mais ça ne suffira pas devant un tribunal, elle promet d’aller immédiatement rendre visite au docteur et lui parler… Balpe semblait furieux, il la regardait comme s’il voulait la détruire: le bonhomme ne lui plaisait pas, il y a en lui trop de haine rentrée, quelque chose qui le domine et qu’elle ressent comme une agression. Elle a pris congé: est allée immédiatement chez le docteur Cottard. Elle l’appellera ensuite pour lui dire ses réactions. Peut-être d’ailleurs pouvait-il venir avec elle, parler directement est souvent la meilleure façon de désamorcer les conflits. Il a refusé. Sèchement. Il n’allait pas s’abaisser à discuter avec ces gens-là, des nouveaux riches, des parvenus. Sa maison est une maison de famille, produit du labeur d’une longue lignée de magistrats, il y avait déjà un Balpe au parlement de Bretagne en 1726. Pas comme ses voisins qui sortent d’on ne sait où, font fortune en exploitant la détresse humaine… Rien à obtenir de ce côté-là donc. Albertine Mollet a salué et elle est sortie. Elle voit que Balpe reste sur son perron à l’observer…

Elle va sonner à la maison voisine. Une grande maison, plutôt moderne, un manoir normand plutôt qu’une chaumière, au milieu d’un parc assez vaste où poussent de grands chênes: sans doute un terrain pris récemment sur la forêt. Elle sonne, le portail s’ouvre. Elle entre, voit, depuis la maison, venir une jeune femme noire vêtue d’un élégant tailleur gris: —Léna Matouche, dit cette jeune femme en lui tendant la main, je suis l’assistante du docteur Cottard. Il vous prie de l’excuser mais il est en ce moment avec un client assez perturbé et préfèrerait ne pas être dérangé… —Je ne veux pas spécialement voir le Docteur, dit Albertine… mais peut-être sa femme est là? —Hélas, madame Cottard dirige une entreprise de cosmétique et ne rentre que tard le soir. —il faut pourtant que je vois l’un ou l’autre, sinon je vais être obligée de les convoquer au commissariat… Albertine Mollet n’a aucune envie de convoquer qui que ce soit, mais elle sait que Balpe l’observe de son perron et ne veut pas repartir ainsi. —Entrez, dit Léna, suivez-moi… Je vais voir ce que je peux faire. Comme Albertine se dirige vers une salle d’attente où se trouve un jeune homme, —Pas ici, dit-elle, venez… elle les fait entrer tous deux dans un grand salon meublé, design italien, clair, un mur entièrement vitré donnant sur le parc privé. Albertine voit qu’il y avait tennis et piscine. Elle se sent vaguement blessée par tout ce luxe, par l’obligation où elle se trouve d’être au service de gens qui doivent gagner cent fois plus qu’elle; bien que respectant l’ordre et une nécessaire hiérarchie sociale, elle a du mal à ne pas ressentir jalousie et amertume devant tant de confort. Léna Matouche revient: —Si vous pouvez patienter quelques minutes, le Docteur va venir vous voir… Que faire d’autre? Albertine n’est pas en situation de refuser —Demandez-lui de ne pas trop tarder, dit-elle dans un sursaut dérisoire d’autorité. —Ne vous inquiétez pas, affirma Léna, c’est un homme très précis… Puis elle ajoute: puis-je vous offrir quelque chose?

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