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Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
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19 décembre 2012

Un jeu de mésanges

Retour à la maison, une nuit de sommeil et de pensées enchevêtrées comme cordes nouées. Trop de réflexions et de bifurcations. Trop de coïncidences et de relations. Marc ne peut penser à autre chose: trop de coïncidences. Il échafaude hypothèses sur hypothèses: la grotte d’Arnette et son cadavre, à droite celui d’une mésange noire, à gauche celui d’une mésange charbonnière. Deux points équidistants de la grotte traçant une droite. Toutes deux dans un papier de soie, la première avec le tétragramme Yi Jing 56, la seconde avec le tétragramme Yi Jing 58. Toutes deux enveloppées enfin dans un mouchoir de batiste et mises en évidence dans l’anfractuosité d’un bloc de gré. Marc Hodges a déchiffré ce signe. Ce signe est évident. Mais pour un signe déchiffré, combien doivent rester invisibles? Combien peut-il y en avoir qu’il n’a su repérer dans l’enchevêtrement des branches, parce qu’il n’a pas regardé à la bonne hauteur, parce qu’il cherche des points blancs et que ceux-ci sont d’une autre couleur, d’une autre matière? Combien de signes non interprétés dans la multitude de ceux de la nature. Par exemple, deux mésanges… une noire, l’autre charbonnière… du noir, enveloppé dans du blanc. Des mésanges, des «mauvais anges». Faut-il lire cela aussi?… Et quel est le rapport avec le cadavre de la vieille dame? Il sait maintenant qu’elle s’appelle Gaillardon, qu’elle a été exhumée du cimetière de Recloses. Recloses n’est-il pas sur la ligne tracée par les cadavres dans la forêt? Il faut vérifier…
Mais qui, pourquoi s’est amusé à fabriquer des signes aussi peu évidents, aussi ténus, presque invisibles? Et à destination de qui? S’agit-il d’un jeu comme ceux auxquels il a participé un moment? D’autre chose? D’un complot? De messages clandestins comme ceux qu’il a un temps été amené à créer ou lire? C’est bien compliqué… Ça ressemble à une histoire de fous… En tous cas, son hypothèse de crime bourgeois est maintenant bien malmenée et s’il veut écrire un roman social, il lui faudra trouver autre chose. Quoique… Après tout le social se glisse partout, il suffit que le maniaque qui accomplit ces rites mortuaires soit un individu brisé par la mondialisation par exemple, quelqu’un, comme il y en a tant de nos jours qui, du jour au lendemain, a perdu son statut social. Il verrait bien un cadre supérieur jeté par le PDG de son entreprise parce qu’il lui déplait. Il lui déplait, tout simplement, rien de plus, qui se trouve désœuvré et dont l’intelligence jusque là toute au service de son entreprise est soudain inemployée, qui se crée un jeu inutile uniquement pour l’employer, qui se venge ainsi de cette société qui l’ignore… alors il suffirait de nommer Madame Gaillardon Madame de Guermantes, elle aurait été déterrée de Nonville, serait une parente, lointaine, mais parente du PDG… Oui, c’est plausible, du moins dans la fiction, il faut travailler là-dessus… Tout est possible dans la fiction —comme dans le réel d’ailleurs comme le montrent les faits-divers plus incroyables les uns que les autres—, les personnages peuvent glisser d’un nom à l’autre, emprunter des peaux diverses. L’essentiel n’est que de faire tenir tout cela par la colle de l’écriture.
Marc s’est levé à six heures du matin, comme toujours, son bureau est encombré d’une couche de cinquante centimètres de relevés bancaires et de lettres de banque non décachetées qu’il ne regarde jamais. Sa façon d’afficher le non-conformisme économique qu’il professe. Le dépôt décanté de son gauchisme… Ça aussi c’est un signe. Tout est signe, suffit de savoir les lire. Il hésite entre commencer à écrire l’histoire qui prend déjà forme dans sa tête et retourner à la grotte d’Arnette voir s’il trouverait autre chose: enquête ou invention? Il ne sait plus très bien quel chemin adopter…

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