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Écrits de Marc Hodges
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22 novembre 2012

un hexagramme

Marc Hodges entre dans la forêt
Marc avance dans le sentier sous les arbres, il voit ce qu’il y a à voir, qu’il a pris l’habitude de ne plus voir parce qu’il l’a si souvent vu: des arbres aux troncs sombres, des fougères, des herbes rases, des hêtres, des chênes, un sentier plus ou moins large, du sable, des rochers de différentes tailles… l’air toujours humide… le tout dans une lumière brumeuse atténuant encore les couleurs déjà grises du paysage. Il n’y a pas un bruit, même pas le chant d’un oiseau quelconque, même pas celui de ses propres pas étouffé par le sol sablonneux. C’est un paysage sans charmes mais sans inquiétude, un paysage qui semble avoir toujours été là et où l’homme ne fait que passer.
Mu par une sorte d’intuition, il quitte le sentier balisé pour s’enfoncer plus avant dans les massifs de fougères qui arrivent à hauteur d’homme, il y a là, sous les hautes tiges, comme des cachettes secrètes, des recoins obscurcis par les feuillages des fougères ou au contraire de minuscules clairières semblables à des nids d’animaux sauvages. Par endroits, les sangliers ont fouillé la terre faisant, sous la grisaille du sable de gré, apparaître une terre noire et grasse dont l’odeur forte s’impose à toutes celles —herbes humides, champignons— qui composent le décor olfactif. Il plonge dans ce fouillis de tiges, de feuilles, de rameaux, de taches de lumière, d’épaississements, d’ouvertures, de déviations, de poussées, d’enroulements, d’entrecroisements, de déviations, d’écartements, de creusements, d’obscurités, d’indéfinitions, de je ne sais quoi, dans cet espace tacheté, strié, lacéré qui avance, se dérobe, s’épaissit, s’écarte, le presse, l’ignore, le retient, le bouscule, le rejette et l’enferme pour le libérer aussitôt, le retenir aux jambes, lui fouetter le visage, le lâcher dans le vide de l’air, dans cet espace d’indistinctions absolue où tout repère se perd. Il sent à ses pieds tantôt la faible résistance du sable, tantôt l’engluement de la terre noire parfois mise à nue… Sans bien savoir pourquoi, il avance ainsi plusieurs longues minutes jusqu’à atteindre un épais bloc rocheux. Et là, dans une de ces douces et rondes petites cavités naturelles des blocs de gré, souvent pleines de mousses et d’eau stagnante, il aperçoit quelque chose qui semble avoir été oublié là. Une chose blanche, informe, imprécise, étrange en ce lieu. Il hésite un instant puis s’approche.
Le bloc doit avoir une hauteur d’environ trois mètres; la cavité se trouve à deux mètres du sol. Marc doit s’aider des aspérités du rocher pour grimper difficilement jusqu’à sa hauteur, il découvre alors un paquet soigneusement entouré d’un mouchoir de batiste blanche qui semble un linceul. Marc le sort de la cavité, déroule avec soin le mouchoir: il enferme une feuille de papier de soie qui contient le cadavre comme momifié d’une mésange noire. Le rituel qui entoure ce petit cadavre est à lui seul surprenant mais sur la feuille de papier de soie est soigneusement tracé un hexagramme. Marc croit y reconnaître l’hexagramme 58 du Yi Jing.
Il sort de son sac son appareil photo numérique, photographie soigneusement le rocher, sa cavité, son contexte, le mouchoir, le papier de soie et la mésange noire… puis il remet le tout en place, monte sur le rocher pour repérer le sentier et décide de rentrer chez lui.

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