Évelyne mène son enquête

Depuis que sa décision est prise, Évelyne se sent soulagée. Elle n’a, bien sûr, jamais mené d’enquête seule mais elle a participé à quelques unes: recherche d’automobilistes en délit de fuite, recherche de jeunes ayant accompli de petits larcins dans divers commerces de la ville, surveillance de petits dealers, participation à des enquêtes dans l’intérêt des familles, recherche d’identités de clochards en coma éthylique, accompagnement d’huissier pour ouverture de porte… Elle a quelques idées sur la façon de procéder.

Évelyne n’est pas d’une intelligence supérieure mais elle n’est pas non plus complètement stupide: elle sait qu’elle ne pourra compter que sur elle même et sait qu’elle ne devra utiliser les outils à la disposition du commissariat qu’avec beaucoup de précautions. Mais elle a aussi quelques atouts dans sa manche. Notamment, le visage de l’adolescent qui lui a apporté les lettres est si présent dans son esprit qu’elle se sait capable d’en constituer un portrait-robot. D’autre part, si cet adolescent est venu à trois reprises c’est qu’il doit résider dans un rayon relativement court et qu’il doit aussi, d’une façon ou d’une autre, être en liaison avec le corbeau. Peut-être même est-il le corbeau… Bien qu’Évelyne ne le voit pas capable de déterrer seul un cadavre dans le cimetière de Recloses et de le transporter quinze kilomètres plus loin dans la grotte d’Arnette. Il ne lui a pas paru être très athlétique ni assez vieux pour avoir un permis de conduire (bien qu’elle ait déjà eu l’occasion d’arrêter des jeunes gens conduisant sans permis).

Malgré tout ces raisonnements, la beauté de l’adolescent au profil florentin, son aspect angélique —malgré le noir absolu de sa chevelure coupée à la page—, radieux, l’élégance de sa silhouette… lui paraissent incompatibles avec des actions criminelles. Quelque chose cloche… Elle en a une intuition forte. Cependant, ce qui importe avant tout, c’est de le retrouver.

Évelyne réfléchit longuement à la stratégie qu’elle va mettre en œuvre.