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Écrits de Marc Hodges
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6 novembre 2012

Un moment de déprime

— LXXXV —

 

Montréal, mardi 30/12/95, 21:21:57

- Alors tu es décidé à laisser tomber ?

- Que faire d’autre ? demande Jordan Baker. Cette affaire nous échappe complètement, nous n’avons plus aucun atout en mains. Et puis nous ne manquons pas de crimes à résoudre, notre temps sera mieux employé ailleurs. De toute façon, je n’ai pas le choix, si je ne décide pas d’arrêter, on le décidera pour moi… J’ai déjà chargé Michaelis et Buchanan d’un autre boulot, une affaire de viol en banlieue.
- Dommage, dit Karine Leknar, j’aurais bien aimé avoir la solution.
- S’il y en a une, nous la connaîtrons… Tu apprendras dans le métier qu’il vaut mieux être patient. Tu veux un Martini, un verre de vin blanc — j’ai un excellent sauvignon de Floride — ou autre chose ?
- Un Coca plutôt… avec un fond de whisky.

Karine Leknar est chez Jordan Baker. La baie vitrée du grand loft de la rue Denonville, qu’il a transformé lui-même, donne directement sur les quais du Saint-Laurent totalement immobilisé dans la glace. Sous la lumière glacée de la lune, le paysage a un aspect exagérément théâtral. On s’attend à tout moment à voir traverser un ours blanc… ou un Pierrot lunaire. Karine quitte la baie vitrée, s’installe sur un canapé rouge vif en forme de lèvres qui trône au milieu de l’espace presque vide.

- Je n’arrive pas à comprendre qu’ils aient laissé filer Patricia Tsalmuna. Je t’avais dit qu’elle mentait, j’en étais sûre… dès que j’ai vérifié les transcriptions de ses réponses je m’en suis aperçue. On leur avait pourtant dit de faire très attention.

Jordan Baker, verre de Coca dans la main droite, verre de whisky dans l’autre, traverse la longue pièce de sa démarche lente.

- Bien sûr… mais nous n’avions aucune preuve suffisamment solide pour la mettre en garde à vue. Elle en a profité. Ce n’était pas très difficile : le soir de son interrogatoire, elle rentre à son hôtel de Vancouver, le lendemain matin elle n’y est plus… Personne ne l’a vue sortir. Quand l’inspecteur Seeret reçoit nos informations sur ses contradictions, elle n’est plus là. Envolée… Et Vancouver n’est pas une petite ville.
- Pas difficile, son hôtel avait plusieurs issues. De plus sa chambre était au premier étage, elle donnait sur un parc de stationnement. Même un gamin aurait pu s’échapper.
- Tu as raison, mais comment faire! On ne peut pas violer la loi parce que ça nous arrange. Ce sont les difficultés du métier, les malfaiteurs ont souvent une longueur d’avance. Ça ne nous empêche pas d’en arrêter un certain nombre.

Il lui tend le verre de Coca :

- En tout cas, poursuit-il, ou elle se cache et nous la retrouverons un de ces jours, ou elle a bénéficié de complicités et alors… Disparaître cachée dans une cale de cargo n’est pas bien difficile.
- Les autres aussi ont disparu, insiste Karine Leknar. Je pense que nous avons été mauvais. Si nous faisons le bilan : une victime, Kharamidov; deux suspects: Alexis Jonak, mort et David Peirse, disparu quelque part en Europe. Des complices probables: Denys Peirse, vraisemblablement suicidé; Andrès Sanlucar, qui s’avère être Andrés Carasco, assassiné à Paris; Patricia Tsalmuna, la seule que nous tenions, nous fausse compagnie; restent Jean Benoît, Claude Braffort et Ivan Maximoff. Tous trois dans la nature Nous avions neuf personnes concernées par ce crime, nous ne sommes pas fichus d’en conserver une seule.
- Tu es trop jeune dans le métier, ironise Jordan Baker.

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