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Écrits de Marc Hodges
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20 septembre 2012

Souvenirs, mémoire, rêves

Rien entre les quatre photos décrites, aucune trace de mémoire et, maintenant, il est bien trop tard pour en parler avec mes proches. Il est vrai que cette quête du passé est chez moi un phénomène récent, que, lorsque j’aurais pu encore interroger mon entourage, dans mon enfance ou mon adolescence je ne m’en souciais pas. La vie boucle: ce n’est que sur la fin de l’existence que l’homme a besoin de savoir d’où il vient. Tant qu’il marche, il marche. Ce n’est que lorsqu’il ralentit, éprouve la nécessité de se poser, qu’il a envie de retrouver ses premiers pas.

Au moins trois ans de perte pour ma mémoire. Sur la totalité des jours de ma vie, je renonce à faire le calcul. En fait, lorsque je creuse mes souvenirs, j’ai l’impression de ne pas avoir vécu, d’avoir traversé ce qu’on appelle la vie à une vitesse excessive ne gardant de son paysage que des images floues, des sentiments de perte. Qu’en était-il alors que l’homme ne disposait pas de ces prothèses que sont écrits, photos, enregistrements ? Pourtant depuis que je m’efforce de raconter ma vie, de réaliser ce play back que permettent si bien les machines, se produit un phénomène intéressant: je rêve, avec une vraie intensité qui m’incite à imaginer qu’il s’agit bien de souvenirs, non de fantasmes, de moments anodin mais précis de mon passé.

D’autres rêves que ceux que je viens de vous raconter ont, ces temps-ci, ainsi accompagné mes réveils mais, sans aucun doute,  les rapporter tous lasserait le peu de lecteurs que j’ai. Je m’en tiendrai donc là. Qu’y a-t-il de vrai dans ces rêves, simplement, de possible, de plausible ? Je ne sais. Pourtant, réalité ou fiction, ils ont ramené en ma mémoire le petit Robert Bonnal qui, bien que plus âgé d’un an, était dans ma classe. Même si, dans cette école de campagne à classe unique, la notion de niveau ait été des plus relatives. Ainsi le fantasme recrée la mémoire ou, du moins, fait penser vrai, ce qui, sans preuves, n’est peut-être au fond qu’une fiction. Parfois quelques souvenirs me montent au bord des lèvres, une image plus ou moins floue, un fragment de parole, un son, une odeur, un parfum émergent de ma mémoire évoquant, comme une vielle photographie décolorée et usée par le temps, quelque chose qui a été, dont je suis sûr que ça a été. Pourtant, malgré mes efforts, et peut-être moins encore quand je m’y efforce, je n’arrive à rien construire à partir de là. J’ai en moi quelque chose qui demande à devenir perceptible, visible, un moment de ma vie qui voudrait venir au jour mais rien ne se fait. De cette effluve ténue rien de plus élaboré ne s’extraie. Sensation douloureuse car j’ai alors l’impression que mon cerveau se désagrège, ne répond plus à une de ses fonctions essentielles: la mémoire.

Mon enfance si calme, si tranquille, si heureuse ne laissait en rien deviner la vie qui fut la mienne, mais il faut en passer par là car c’est en elle que s’est formé l’homme que je suis devenu et que pourtant rien, alors, n’annonçait. Parlant de mon enfance, j’essaie de comprendre. Inspecteur de ma mémoire, je cherche des indices susceptibles de me mettre sur une piste. Se peut-il en effet qu’enfance et âge adulte soient deux périodes d’une même vie sans rapport l’une avec l’autre ? Si j’étais un enfant sage, je fus un adulte turbulent ; enfant souriant et placide, je devins un homme en colère.

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