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Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
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16 septembre 2012

Fuite dans l'écriture

Réveillé en sursaut par le rêve d'une femme que j'ai aimée autrefois et que je croyais oubliée, je me suis levé à cinq heures. Depuis je traîne dans la maison sans aucune envie précise: ce rêve m'obsède. Qu'en conclure sur l'amour, le désir, la mémoire des corps et des odeurs ? Dans mon jardin, mes merles ont commencé à siffler l'arrivée de l'aube.
Mon rythme d’écriture n’est pas loin d’être celui du Tango Corse autrefois si bien chanté par Fernandel, un pas en avant, deux pas en arrière. Mon petit neveu Ronald qui a le sens pratique des parasites et se laisse vivre de petits boulots mais la plupart du temps aux crochets de la famille, me demande d’ailleurs souvent pourquoi j’écris «ça». Bonne question et si j’en juge par les centaines d’écrivains blogs ou Facebook, bonne question ontologique. Je ne peux répondre pour tous car je ne peux qu’à peine répondre pour moi-même. La réponse «parce que…» ne suffisant pas, il faudrait lui en donner une autre. J’en suis incapable. La seule peut-être, réaliste, est «pour être en faisant quelque chose», comme je n’aime pas la pétanque qui occupe la plupart des retraités du village, que mon jardin est minuscule, que mes possibilités de déplacement sont désormais réduites, j’écris, sans illusion, sans urgence, j’écris. L’écrivain est autiste. Vivant dans le monde des mots, il façonne l’univers à la mesure de son vocabulaire. Les mots, leur silhouette, leur consistance, leur mélodie, leur teneur en bouche, lui importent plus que le monde qu’ils sollicitent et tiennent à distance. Les mots, leurs sonorités, leurs formes, les associations diverses qu’ils permettent, lui sont le monde ou, plus exactement la matière du monde avec laquelle il va élaborer, avec plus ou moins de difficulté, mais aussi avec une grande jouissance, ces univers dont il est alors le seul maître. Sentiment de toute puissance, autosatisfaction, il peut se passer du monde. Seuls ce qui se disent ses lecteurs trouve grâce à ses yeux. Il en attend la reconnaissance de sa toute puissance, de son génie, en supporte mal les critiques qui, montrant des failles dans ses élaborations, risquent de lézarder l’édifice de son écriture. Il n’est pas parce qu’il écrit, il est écriture, étrange opération alchimique qui transmute l’argile de la banalité collective de la langue quotidienne en sa chair et son sang. Ce faisant il est dieu et sa créature unique. Ainsi il peut ignorer tous les mondes qui ne dépendent pas de lui, ne vivre que par et pour le miracle qu’il doit sans cesse maintenir, renouveler, il vit de cette conjonction magique.
Je trouve  trop de romans, comme des démonstrations, tendus vers un but unique. C’est ce qu’à tout prix je fuis. J’appréhende ma vie comme n’ayant pas plus d’importance que n’importe quelle autre et bâtie, de bric et de broc, plus par les circonstances, les rencontres de hasard, les incidents, le poids des aléas du monde que par des visées ou des décisions. La vie m’a emporté dans son fleuve boueux où je n’ai pensé qu’à surnager pour survivre. Nous sommes si peu de choses, et je sais que je n’ai jamais rien maîtrisé.
Si j’ai décrit les rares photos qui me restent, c’est que je ne sais trop que dire de cette période de mon enfance dont je n’ai que des souvenirs rapportés. Les premiers mois de la vie sont, pourtant, comme l’affirment les psychanalystes, essentiels à la construction d’une personnalité et j’aurais bien besoin qu’un de ces magiciens de la mémoire m’aide à faire ressurgir les souvenirs enfouis car, seul, je suis démuni et perdu devant tant d'absence.

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