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Écrits de Marc Hodges
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25 juin 2012

Jean-Blaise Échenoz

— LXXVIII —


Genève, mardi 29/12/2015, 24:41:34

Bien qu’il soit près d’une heure du matin, Jean-Blaise Échenoz ne parvient pas à quitter son travail. Le problème qui l’occupe le passionne et rentrer dans son confortable appartement de la cité sécurisée d’Interpol où personne ne l’attend ne lui dit rien. Passant l’essentiel de ses journées les yeux vissés sur des écrans, les innombrables distractions qu’offre ce média ne l’attirent plus depuis longtemps. Il ne lui resterait qu’à dormir. Dans son état d’excitation intellectuelle, il n’y parviendrait certainement pas.

Installé dans une salle particulière isolée, Jean-Blaise travaille seul. Depuis la séance collective de recherche de la veille, dans la salle d’analyse des données, l’autorisation du procureur de Francfort lui est parvenue: Jean-Blaise s’est attaqué au serveur de Kharamidov. Il s’est vite aperçu qu’il ne s’agissait que d’une coquille vide, plus exactement de quelque chose comme une gare de triage d’où peu de trains partent et où, bien ceux qui y passent soient nombreux, très peu s’arrêtent. Le serveur de Francfort de Kharamidov servait surtout au reroutage: ses mémoires de stockage ne contiennent que très peu de données. Quelques fichiers, apparemment de sauvegarde, destinés à conserver une copie temporaire des informations qui transitent, quelques messages récemment arrivés et qui n’ont pu atteindre le serveur auquel ils étaient destinés. C’est à eux que Jean-Blaise s’est d’abord intéressé: toute transaction n’ayant pas abouti porte des informations sur les raisons de son échec. Pour l’essentiel, ces fichiers contiennent des textes de correspondants divers: galeristes, universitaires, étudiants, collectionneurs qui, pour une raison ou une autre, essayaient de joindre l’artiste. La plupart datent des heures qui ont suivi immédiatement la découverte de son assassinat, juste avant que le monde ne l’apprenne. En eux-mêmes, ils n’ont aucun intérêt. Leurs “historiques” de transmission sont plus bavards… Ils montrent qu’il y a, parmi eux, deux groupes.

Le premier est constitué de messages envoyés à Kharamidov par deux galeristes, un professeur d’esthétique, trois étudiants, un cinéaste… Certainement des inconnus pour Kharamidov. Ou presque. Ils n’avaient accès qu’à son adresse publique. Tous ces messages ont tenté de le joindre à l’adresse de son hôtel “khamid@bonaventure.montréal.ca”. Comme de nombreux usagers du réseau, Kharamidov faisait suivre son courrier en fonction de ses changements d’adresse. Le premier envoi de ce groupe est daté du 20 décembre 14 heures, le dernier du 21 décembre 15 heures: depuis le moment où la police de Montréal a autorisé l’hôtel à attribuer le terminal de la chambre 1534 à un autre occupant jusqu’à celui où la plupart des habitants du monde ont appris l’assassinat de Kharamidov. Pour Jean-Blaise, aucun doute, c’est le courrier ordinaire, celui que Kharamidov consultait mais ne souhaitait pas, a priori, conserver. L’examen du contenu des messages le conforte d’ailleurs dans cette hypothèse: confirmation d’exposition, de rendez-vous, demande d’entretien, remerciement pour la réponse à un questionnaire, annonce de la date de diffusion d’un film… Rien de très intéressant à première vue pour Interpol. Cependant on ne sait jamais, l’art du renseignement est celui du recoupement d’informations en apparence anodines. La routine recommande la prudence: Jean-Blaise Échenoz transfère ces fichiers sur leur ordinateur central.

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