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Écrits de Marc Hodges
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9 avril 2012

Professeur et colonel

Le petit homme marche vite, perfore la masse compacte de la foule comme si elle n’avait aucune consistance et, à plusieurs reprises, Peter craint de le perdre mais son guide semble attentif qui, chaque fois, s’arrête feignant de regarder un des innombrables étals de pauvres marchandises qui jalonnent les rues.  Enfin il pénètre dans le Gerbera Hué Hotel, grand building qui se veut moderne sans charme d’une architecture semblable à celle de l’ex-Allemagne de l’Est. Des touristes, américains pour la plupart, entrent et sortent sans cesse. Il va vers le bar au décor très froid, très soviétique, laissant à Peter le temps de se rapprocher en semblant chercher une place, puis va s’installer à une petite table située face au piano à côté d’un groupe bruyant de touristes parlant espagnol avec un accent argentin. Peter le suit et, sans hésiter, s’assied à la place qu’il lui désigne. Peter entame la conversation : — Alors… Son interlocuteur l’interrompt ouvrant largement sa main droite comme s’il voulait arrêter les paroles. Un serveur approche, l’inconnu lui passe commande en vietnamien : — J’ai demandé du thé vert, est-ce que ça vous convient ? — Oui, mais… je ne vous ai pas suivi ici pour cela. — Je sais mais j’étais surveillé et ne pouvais pas vous parler plus tôt. — Alors ? Le prétendu Thuân Thiên regarde discrètement autour de lui, voit le serveur revenir avec un plateau : — Juste une seconde, dit-il puis, changeant de sujet : comment trouvez-vous notre ville ? Avez-vous déjà visité la Cité pourpre, la cité interdite ? Le serveur dispose les tasses et la théïère sur la table. — Je n’ai pas vraiment eu le temps mais, je pars dans trois jours, je me promets bien sûr de le faire. — Vous devez, absolument. Le serveur s’éloigne, et comme pour se mettre à l’écart des rires bruyants des touristes proches, l’homme se rapproche de Peter Peterson, parle assez doucement : — Vous connaissez Maurice Roman, je crois ? — Oui, je le connais un peu, en effet. Peter est assez méfiant et se demande comment cet inconnu, au Vietnam, peut connaître ce Maurice Roman qu’il a eu plusieurs fois l’occasion de rencontrer sans pour autant vraiment le connaître. — Ne me demandez ni pourquoi ni comment je suis en relations avec lui, dit Thuân Thiên, servant le thé fumant, sachez simplement qu’il m’a fait savoir que vous étiez de la délégation française de la conférence et que je pouvais me fier à vous. Peter garde le silence, il est à la fois intrigué par l’inattendu de la situation dans laquelle une vague connaissance française l’amène à rencontrer un inconnu à plusieurs milliers de kilomètres de distance et méfiant, n’ignorant pas combien l’image de l’occidental attise les convoitises de toutes sortes d’escrocs. — Il m’a dit que vous organisiez des festivals de poésie… — Je m’occupe un peu de poésie, j’anime en France une revue qui en publie aussi je connais la plupart des organisateurs de ce genre de festivals et je dirige en effet une association chargée de promouvoir cet art en France… — Nous avons besoin de vous. — Vous, c’est-à-dire ? L’inconnu sort une carte de visite d’une poche de sa veste, la tend à Peter, elle porte une inscription bilingue, vietnamien-français: Colonel Thuân Thiên, Service communication de l’armée populaire. — Je ne comprends pas ? De plus en plus méfiant, vous m’aviez dit que vous étiez professeur, Peter fixe le regard de son interlocuteur qui sourit : — Ne vous étonnez pas, je suis en effet professeur de communication à l’Université d’Hué et colonel dans notre armée où je m’occupe officiellement de la communication mais je ne vous ai donné ma carte pour vous montrer que je n’avais rien à cacher, ce n’est en effet pas de mon métier que je veux vous parler. D’un geste de la main, il désigne la tasse de thé invitant Peter à boire.

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