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Écrits de Marc Hodges
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18 mars 2012

La mémoire

J’écris peu et difficilement. Ne vous attendez pas à de longues pages ; d’ailleurs je me doute bien que personne ne s’attend à rien de ma part. Un récit n’existe que par les médias qui le portent or, au détriment d’une possible efficacité, par facilité, choisissant de paraître dans un blog qui ne m’appartient pas, je rends grâce sans illusion à ces technologies nouvelles qui, de façon inespérée, me donnent cette ultime illusion de toucher quelque part quelqu’un encore. Car pour le reste, parvenu à la dernière étape de ma vie, je n’ignore pas que les chemins de l’édition me sont fermés. Peu importe… Je n’ai jamais fait dans ma vie ce qu’il aurait fallu pour cela.

Écrivant, je me suis trouvé une nouvelle compagne : la mémoire et passe désormais une grande part de mes jours à tenter de me rappeler des événements passés, à remuer les vieux papiers et les photos que ma famille a conservés dans ses successifs greniers et que, pour ma part, je me suis toujours refusé à jeter. Un univers occulté, oublié, dans sa revenue au jour force ainsi mon esprit à se rappeler, peut-être à croire se rappeler, à construire des souvenirs qui ne sont peut-être pas si authentiques que cela mais qui, pourtant, imposent à moi leur évidence, forcent  ma conscience à les prendre en charge. J’avance dans un taillis d’images, de mots, de conversations qui refusent de me laisser en paix. Je suis un brocanteur de la mémoire.

Notre vie s’élève sur les multiples couches de leur humus. Vie et mort me sont jumelles. Je suis hanté par l’accumulation des morts que je ne vais pas tarder à rejoindre. Peut-être est-ce pour cela qu’il m’est temps de recenser mémoires et souvenirs pour me situer face à eux: je me refuse à n’être que le gardien de leurs cimetières.

Fin 1922, ma naissance dut beaucoup aux immondes boucheries de la Grande guerre. Né en 1899, le 4 octobre comme me l’ont appris les documents de la famille, pas tout à fait 15 ans le 4 août 1914, reçu au concours des Écoles Normales, encore lycéen puis, assistant impuissant à l’avancée inexorable de son incorporation. 18 ans en 1917, à peine sorti de l’École, futur instituteur envoyé immédiatement au front comme élève officier, juste à la fin des mutineries : la jeunesse de mon père. Deux ans à jouer sa vie à la roulette. J’imagine. Cadavres autour de lui, massacres, charnier, blessures , souffrances, rage, impuissance. Mon père, instituteur, élevé dans le culte de l’Homme, se destinant à former leurs enfants. Un an, deux mois et onze jours de chute dans le désespoir… Peut-être pire, le désarroi, la perte de repères. Il passa directement de l’enfance à l’âge adulte, peut-être même à la vieillesse.

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