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Écrits de Marc Hodges
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29 janvier 2012

Sociologie du réseau

Blaise s’enfonce dans son divan, oblige Laurence à s’asseoir à ses côtés, l’enserre de son bras gauche :

- Oui et non. Je sais bien que de nos jours les sectes sont très nombreuses, qu’elles ont beaucoup d’adeptes… et qu’elles ne manquent ni d’argent ni de serveurs sur le réseau.
- Rien de surprenant, avance Laurence, ce réseau que tu portes aux nues est responsable d’une extraordinaire ségrégation sociale. Depuis son apparition dans les dernières années du siècle précédent, le chômage n’a fait qu’augmenter. C’est presque un châtiment, il nourrit les égarés qu’il a lui-même contribué à désespérer.
- Le chômage ne date pas de l’apparition du réseau.
- Certes, il avait commencé avant… Mais le réseau a tout accéléré. Il a creusé le fossé entre ceux qui avaient suffisamment de culture, d’intelligence, de savoir pour en exploiter toutes les potentialités et les autres.
- Tu exagères !
- Je n’exagère pas du tout. Tu le sais bien. C’est même une des positions que tu défends dans ta thèse. Tu sais bien qu’il n’était pas facile pour une grande partie de la population d’entrer dans une approche informatisée de la connaissance, d’apprendre à naviguer dans les serveurs du monde entier pour en extraire des informations, de savoir synthétiser les données, etc. sans compter qu’au début, il fallait savoir parler anglais ce qui était loin d’être évident pour tout le monde. Il faut cesser de ne penser qu’à l’occident…
- Tout ça a changé assez vite.
- Oui, mais pas assez et, maintenant, c’est trop tard. La preuve, les trois quarts de l’humanité au moins font partie des désintégrés. Au début, pour travailler sur le réseau, il fallait être universitaire ou avoir assez d’argent pour s’acheter l’équipement nécessaire et s’abonner. Et malgré le discours politique de l’époque plein de “l’usage démocratique du réseau,” c’était loin d’être donné!
- Dès l’origine il y avait des cybercafés, des connexions dans les écoles.
- Arrête ! Ne dis pas de bêtises… D’abord les cybercafés étaient chers et ne s’adressaient qu’à la population des “branchés” comme ils disaient alors. Ensuite il y en avait si peu que c’était de l’ordre du folklore; quant aux écoles, parlons-en, si un vingtième d’entre elles étaient raccordées! Quand les politiques ont voulu réagir en démocratisant les accès, c’était trop tard, la société avait changé de système d’échange: une minorité de spécialistes avait pris en main le réseau, développé les services utiles et couvrait l’essentiel de ses usages. Tu sais bien qu’aujourd’hui un bon médecin spécialiste peut donner des consultations à distance dans plusieurs hôpitaux à la fois, qu’un bon universitaire peut faire des cours à des milliers d’étudiants répartis un peu partout dans le monde… Tu es bien placé pour le savoir.
- C’est vrai !
- Résultat, on veut toujours les meilleurs… Certes, cette exigence a toujours existé, mais auparavant elle était freinée par la nécessité de proximité géographique entre demandeur et offreur. Maintenant les distances ne comptent plus. Regarde par exemple les réparateurs d’autrefois qui venaient chez toi réparer un four à micro-ondes ou une télévision, aujourd’hui on n’en a plus besoin, ou presque, la plupart du temps, comme tout est électronique et que les maisons sont reliées au réseau domotique, les réparateurs font leur diagnostic à distance. Souvent ils peuvent réparer sans se déplacer. Quand ils ne le peuvent pas, ils changent l’appareil: la commande se fait à distance, le règlement passe par le cybercash… Au pire ils viennent installer la machine; la plupart du temps elle est normalisée, il suffit de brancher la nouvelle à la place de l’ancienne et c’est le client lui-même qui s’en charge… Ça a considérablement réduit le nombre des interventions, donc le nombre des réparateurs! Tu sais bien aussi que les usines sont presque entièrement automatisées.
- Tu as raison. Je sais tout ça, mais je ne trouve pas de solution. Personne n’en a encore trouvé d’ailleurs.
- D’où toute une masse de population de plus en plus marginalisée, incapable de s’intégrer aux circuits économiques, échappant aux structures socialisantes comme les écoles, vivant d’expédients dans les marges de notre société repue et bouffie.

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