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Écrits de Marc Hodges
Écrits de Marc Hodges
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11 janvier 2012

Photographie

Personnellement je photographie peu, pourtant la photographie est une technique qui me séduit. J’ai horreur photos qui ont des prétentions esthétiques, non seulement celles qui veulent « faire joli » mais également toutes celles qui cherchent à faire de la photo quelque chose comme un art plastique. Je regarde de très nombreux albums photo: les albums photos de Marc Hodges 1 et 2, les photos d'Oriane, L'album photos de JPB,  de nombreux autres encore parmi ceux qui abondent sur Internet. Mon album préféré est cependant celui de Saint-Loup car les clichés sont tout sauf des clichés: il ne s’intéresse ni à l’esthétique ni à l’anecdote mais donne à chaque fois sa vision étrange du monde. Au-delà de la fiction, ils sont en deçà de l’anecdote.

Je considère en effet que la photographie, si elle peut prétendre à être une création d’ordre artistique ne doit rivaliser ni avec la peinture ni avec la réalité. Elle ne doit être ni un simple témoin («ça a été…») ni un embellissement artificiel de ce monde tel que l’on trouve si souvent, notamment dans la recherche de couleurs «poussées», d’un trop de couleur — l’exemple parfait de ce négatif étant pour moi les portes colorées grecques ou provençales qui séduisent tant les gens ordinaires…— Le monde est en effet plus fade qu’il n’y paraît, du moins pour mon œil. De même les scènes à la Cartier-Bresson me gênent dans leur construction artificielle, leur mise en scène du monde qui, pour l’essentiel, comme tant d’autres, joue sur la nostalgie.

Ce qui m’intéresse c’est un regard presque impossible sur le monde, un regard ascète, dépouillé, ponctuel, une façon de mettre en évidence, en le stabilisant, en l’isolant, en le découpant, quelque chose qu’autrement je n’aurais pas vu. Je ne suis pas loin de penser que seule la photo aléatoire, prise par un automate, peut y parvenir. Dans certains cas, la couleur est une gêne. Dans d’autres, lorsque c’est cette couleur qui est donnée à voir, elle est une évidence.

Si, très souvent j’ai essayé de réaliser ce qui était pour moi la photo idéale, n’y étant jamais, à mon sens, parvenu, je me contente depuis d’analyser les travaux des autres. La critique est… (locution connue) Je n'en suis pas si sûr tant nous sommes enfermés dans la bienséance des conventions artistiques.

Bien qu’assez mauvais photographe, je suis passionné par la photographie et j’ai très souvent l’envie d’en faire alors que je n’ai pas d’appareil photo. Heureusement, depuis quelques temps les téléphones portables — j’ai toujours le mien sur moi — permettent de compenser cette difficulté. Malheureusement, les photos qu’ils permettent sont de très mauvaise qualité. Mais, après tout !…

Ce désir de photographie provient de celui de la saisie impulsive du monde. Je me promène, je ne pense à rien de particulier et soudain, pour une raison qui m’échappe totalement, un fragment de réel me paraît soit d’une beauté stupéfiante, soit si intrigant qu’il me serait indispensable de le figer. Lutter contre le temps et les carences de la mémoire : ce lieu précis, en ce moment précis, demande à être conservé et, plus jamais ne sera reproductible. Ce matin, je me promenais ainsi dans les rues de mon petit village et, soudain, un moment de grâce incroyable, un accord de couleur inattendu: une maison au crépi rose au pied d’un viaduc gris à peine cachée par le rose, à la fois identique et différent, d’un cerisier du Japon de la variété Amanogawa: les deux roses, loin de se nuire, se magnifiaient l’un l’autre comme si l’arbre et la maison dialoguaient avec leurs couleurs. Peu de soleil, une lumière douce, parfaite pour ces couleurs fragiles. Je n’ai pu m’empêcher de trouver un meilleur angle, mais non, cette harmonie ne se produisait que d’un seul point et se détruisait aussitôt que je me déplaçais d’un mètre. Il y avait d’autres arbres mais les fleurs d’aucun d’entre eux ne conversaient de la même façon avec le mur de la maison: leur rose était plus éteint, plus violent, moins dense, plus épars… Seul l’arbre que j’avais vu en premier, du seul point de vue où j’avais été ébloui, produisait cet effet. Une telle circonstance n’est pas reproductible. Je reviendrai demain mais la lumière aura changé, les fleurs auront vieilli ou se seront épanouies, quelques volets de la maison seront fermés… L’équilibre subtil des couleurs ne se reproduira plus jamais.

C’est là, pour moi, l’intérêt de la photographie, capter l’imperceptible, l’improbable, le non reproductible, mais il faudrait toujours avoir avec soi les instruments nécessaires, mais il faudrait aussi, la plupart du temps, réagir très vite car il m’arrive aussi, de perdre d’autres instants aussi riches simplement parce que, le temps de prendre mon appareil numérique, la grâce s’est évanouie. Une question de lumière le plus souvent car la photographie n’est que lumière, mais aussi de vie: choses et gens bougent sans cesse ne laissant à l’œil aucun répis.

C’est pour cela que je suis particulièrement intéressé par la série des photos de Balpe (cf. L'album photos de JPB) qu’il intitule La Grande Prairie: prendre chaque jour, ou presque, d’un même lieu, sous un angle le plus identique possible (il devrait pour cela utiliser un pied et des marques…) avec le même appareil et les mêmes réglages, une photo d’un lieu anodin. Si chaque photo en soi n’est pas extraordinaire, la série, elle, est passionnante qui montre que tout, sans cesse, change et nous confronte ainsi à la richesse extraordinaire de la vie.

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