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Écrits de Marc Hodges
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7 janvier 2012

Croire / ne pas croire

Une correspondante bien intentionnée (elle doit être témoin de Jéhovah et me laisse son mail) a déposé un commentaire sur ma dernière note. Il y est dit en substance que la réponse a toutes les questions que je me pose se trouvent dans la Bible. Certainement. Je n’en doute pas car dans les ouvrages métaphoriques se trouvent toutes les réponses que l’on veut bien trouver à toutes les questions que l’on peut se poser (c'est ainsi que le conçoit la Kabbale). C’est le grand avantage de la poésie — si tant est que la Bible soit vraiment poétique… Le malheur est que l’on trouve aussi ces réponses dans le Coran, le Yi Jing et les livres boudhistes pour ne citer que ceux que j’ai un peu parcourus et leurs réponses sont toujours de l’ordre de celle de Pascal : «Décidez de croire et vous croirez…» Autrement dit faites abandon de tout ce que vous êtes dans une confiance aveugle.

Bien entendu ce n’est pas une réponse qui peut me convenir et c’est mal lire ma note précédente qu’y lire cela.

Si même il y avait un Dieu — ce dont je doute fort — sa présence ne répondrait pas à mes questions car à quoi sert d’être mis sur terre si c’est pour revenir au mieux à un état antérieur plus ou moins évanescent? Je ne m’interroge pas, ainsi que je l’ai écrit, sur une métaphysique mais plutôt sur une physique: je suis là, je ne sais pourquoi ni pour qui sinon pour des entités abstraites — la famille, l’espèce, l’humanité, la postérité, l’histoire… dieu si vous voulez coller un nom à l’inaccessible…— et mon problème n’est autre que de vivre dans le concret des jours. S’il faut choisir, c’est décidé, je choisirai la seule de ces entités qui me prolonge un peu, ma parentèle et je préfèrerais encore faire des recherches généalogiques que lire les innombrables commentaires d’une quelconque Bible. Mais même ce choix, qui cependant pourrait me donner quelques joies, ne me satisfait pas totalement parce que je n’ai pas un goût immodéré pour les archives… Alors le corps, — le niveau plus concret possible — l’usage du corps jusqu’à l’extrême pour se sentir vivre, ne plus penser sa vie, être… jusqu’à ce que cet être se dissolve dans le néant. Ainsi je crois souvent que je suis mon maître ce qui est, relativement, satisfaisant.

Mais, bon Dieu, comment une Divinité peut-elle tolérer tant de fautes d’orthographe qui sont autant d’insultes à la langue qu’IL a créé puisqu’il est le créateur de toutes choses. N’est-ce pas aussi insultant que d’en faire une caricature?

Athée, j’ai parfois la tentation de la religion. Une religion, n’importe laquelle pour donner du sens à ma vie. Je résiste mais ce n’est pas facile, je m’accroche — je crois vous l’avoir déjà dit — à de petits rituels qui, d’une certaine façon, constituent comme une religion privée mais ne me confrontent qu’à l’absurde de l’existence. Je ne sais pas pourquoi je suis sur terre et me demande sans cesse à quoi ma présence est utile. A quoi elle m’est utile ? Bien sûr il y a un certain plaisir à vivre, à sentir battre mon cœur, mes muscles fonctionner, ma tête agiter un bouillonnement d’idées mais cette vie que j’éprouve au plus profond de moi-même, ne me satisfait jamais totalement car si elle répond à la question du comment, elle ne répond jamais à celle du pourquoi. J’ai besoin d’une finalité… La prolongation de l’espèce ? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne réponse car la terre, qui n’a pas besoin de nous, se porterait sans doute mieux sans les prédateurs que nous sommes. Ne parlons pas de l’Univers qui dans sa splendide indifférence ne se soucie en rien de notre présence.

J’ai des enfants, quelques petits enfants. Je sais qu’il leur arrivera, après ma mort, de penser à moi deux ou trois fois par an mais ce souvenir s’éteindra bien vite et, comme des milliards d’êtres humains avant moi, tout ce qu’aura représenté l’énergie que je produis à exister disparaîtra définitivement emportée dans le renouvellement permanent des matières. J’aurais été et personne n’en saura plus rien. J’aurais été pour rien puisqu’il n’y a pas de but.

Du coup je me réfugie dans l’absurde, me donne des tâches — comme celle de m’astreindre à écrire ce blog — dont je sais pertinemment qu’elles n’importent à personne, que je les poursuis dans la solitude et le désert, mais qui me donnent une colonne vertébrale intellectuelle. Comme un travail quelconque — nettoyer les égouts, conduire un train, écrire des lettres administratives… — qui n’ont de sens que par leur contrainte, ces obligations que je me fixe n’ont de sens que dans la contrainte de leur durée. Au fond, les accomplir me permet, un temps de ne penser à rien, d’essayer simplement d’être : faire deux kilomètres à la nage ou courir un marathon. Pas d’autre but que le but lui-même, pas d’insertion métaphysique dans le pur exercice du corps.

J’évite ainsi de chercher un Dieu.

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