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Écrits de Marc Hodges
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16 octobre 2011

Le tic tac de l'horloge

Le tic tac de la grande horloge de l’Univers m’effraie, sa régularité, ses répétitions: le soleil — ou la lune — qui apparaissent toujours au même point de l’espace, la prévisibilité absolue de leurs horaires ainsi que celle de la position des étoiles et de leurs configurations qui ne changent jamais… Cette mécanique céleste, cette exactitude absolue des déplacements et des emplacements qui font que chaque jour est un jour identique à celui qui précède et le sera à celui qui va suivre et cela depuis la fin des temps, me perturbent.

Je me souviens enfant de l’effroi que, dans le silence presque total de mes nuits, m’inspirait la régularité parfaite de battement du balancier du carillon que j’entendais à travers la cloison mince de ma chambre. J’attendais, avec une crainte immaîtrisée le moment où sonnerait le coup unique des quart d’heure de chaque heure, puis les trois coups des demi heures, cycle clôt provisoirement par la musique des cloches des heures annonçant à la fois la fin et, dans un même son, le recommencement d'un nouveau cycle identique, inchangé, infini… Je percevais dans ces éternels retours une interdiction totale d’une liberté dont j’aurais pu, par moments, croire l’illusion possible. Mais non, le tic tac ne se trouble jamais… Cette perfection n’était alors pour moi qu’une imperfection despotique me privant de toute possibilité de liberté. Quoi que je fasse, quoi que j’entreprenne, quoi que je rêve, le carillon, imperturbable, battrait, sur le même ton, ses secondes uniformes : je devrais toujours me confronter à la même machine.

Ainsi nous ne sommes que cela, des incidents infimes dans l’immense mécanique de la physique du monde, rien… même pas des grains de sable capables d’y introduire un semblant d’imprévu, de fantaisie, d’imagination. Quoi que nous fassions, quoi que nous pensions, quels que soient les incidents, les accidents et les imprévisibilités qui nous affectent, l’horloge, imperturbable tourne sans nous, sans se soucier de nous. Que nous soyons là — vivants —, ou que nous n’y soyons pas — morts —, elle tourne sans nous sur ses axes inchangés, n’a aucune sensation de notre présence ou de notre absence. Nous qui ne pouvons nous empêcher de nous considérer comme importants, uniques même, nous voici à chaque instant, face à nos nullités : nous sommes nuls et non advenus, des erreurs, au mieux de minuscules productions imparfaites telles ces gouttes d’huile que la mécanique trop huilée, sans en être le moins du monde affectée, rejette de ses rouages.

S’il est un dieu, c’est l’Univers et le big bang est sa mythologie, son récit légendaire d’une origine possible car, en fait, en ce qui nous concerne, il n’a ni temps ni lieu, il est, indéfiniment, temps et lieu, et dans cette immuabilité parfaite, ce que nous croyons être notre originalité, notre imagination, nos pensées, tout ce qui fait que nous croyons être quelque chose plutôt que rien, n’a aucune place. Et même si nous croyons être, de fait, nous ne sommes pas.

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