D'Isadora Underhill à Garlan Lennon
Garlan, je vous adore vous… que vous dire Garlan; vous
seul me tenez lieu de tout, je ne pourrai jamais acquérir la plénitude - jamais
je n'ai aimé comme je vous aime; ne prenez pas garde à mes paroles qui sont
paralysées et qui peuvent être nuisibles; vous ne pouvez me voir mourir sans
être touché; j'ai la certitude de ne pouvoir vivre sans vous. Les grandes
passions s'expriment confusément - je voudrais réinventer la terre, l'air ou le
feu sans jamais être paralysée par leur beauté. Quelque chose brille au milieu
de ma sente; la rêverie est moins cauchemardesque que l'existence - voici ce
que me dit Saint-Aignan-le-Jaillard: "le temps n'existe pas";
l'univers où nous vivons est compliqué - je déteste qu'on me prenne au mot. Je
suis votre Lara qui voudrait tant être aimée de son Garlan, vous aimer est une
grande douleur. J'ai bien aimé des fois en ma vie, Garlan; quelle lettre… je
n'aime plus beaucoup travailler, il est douloureux d'aimer seule; si je pouvais
vous avoir pour une heure, à mes côtés… un seul de vos regards de morosité
détruit toutes mes hésitations - je vous dis sans discontinuer que je vous
aime, je ne le dis qu'à vous. Je voudrais vous haïr, je tourne autour du chemin
des Ourtets et désespère de vous y trouver - quand votre cœur vous dit si peu
de choses, que n'empruntez-vous le secours de votre imagination, je meurs si
vous ne m'embrassez pas… je ne sais plus penser sans vous, j'ai connu
trente-six ans de joie ininterrompue mais j'ai la notion du péché et vivre me
paraît inséparable d'une faute indicible.
Ne m'abandonnez pas… voilà tout ce que mon cœur veut vous
dire.
Votre Isadora