Au Teissounivou, 9 heures 32
Un enchevêtrement
dense d'orties signale l'ancienne présence de moutons. André Pagès n'a jamais su trouver
un sens précis à sa vie, erre d'une passion à l'autre, s'égare dans le fouillis
de désirs temporaires: il avance. La contemplation du paysage lui est une ascèse.
Le jour baisse. Certains persévèrent alors que les autres changent. L'inconnu
autour de lui le regarde d'un œil pensif. Il cherche ici la terre et sa lumière
bleue dont on lui a tant parlé. De quoi doit-il donc vivre?… Il hait la ville
qu'il ne peut se résoudre à quitter. Il veut se tenir debout. Des étendues, des
étendues de petits plis, des étendues de perplexité, de désolation, de
souvenirs… Trop absurdement profondes, les vallées sont autant de frontières.
La vie n'est peut-être rien d'autre que ce souffle léger sur les herbes jaunies
dans la chaleur de l'été. Le masse compacte de la chaude lumière solaire pèse
lourdement sur ses épaules. Le passé et le présent luttent en lui comme anges
et démons. Certaines choses lui sont plus nécessaires que d'autres…
Trop
absurdement profondes, les vallées sont autant de frontières. Les toits ne sont
que des éboulis rocheux parmi les autres. Sa marche est lente, lourde. Le
soleil paraît sans mouvement. Le vol des oiseaux est merveilleux. Quel lien
entre toutes ces paroles? Il vient pour aimer, non pour juger. L'espace paraît
soudain sensible, clair et liquide, comme une chose que l'on pourrait absorber,
boire. Il n'espère plus que la terre livre ses énigmes. Il échafaude des
projets, dresse des plans, rêve. Il y a en lui un désir d'amour qui parle le
langage de l'amour. Isolés, séparés de la protection des bois, les arbres ici
ont tous quelque chose de fragile et de torturé. Il lève la tête. Ce n'est pas
la mort qui fait problème, mais la vie. La règle du jeu est sincère. Il n'a pas
de montre.