D'une inconnue à Monsieur Roman
Je vous supplie, mon héros, que je vous puisse parler
aujourd'hui, à quelque heure du jour - non es meravelha s'eu chan, une lettre
d'amour bien employée peut peut-être révéler les endroits les plus secrets du
réel, je parle de vous aux murailles de ma cité… chaque minute qui passe je
vous aime davantage, vous tenez mon être dans votre main comme dieu tient sa
créature, dans le ciel, les nuages écrivent votre nom; je suis en mauvaise
santé - tout se referme - ne serais-je jamais maîtresse de votre coeur, pourquoi
faut-il qu'il y ait par intermittences tant de différences dans les mouvements,
je suis folle au point de ne penser qu'à vous, tout cela est authentique -
l'amour m'emprisonne, m'a amors tengut el latz.
Les impressions sont comme des couloirs sans fin dont on
voit jamais l’issue, je vendrais mon esprit pour vous… une mobylette traverse ma
rue… Mon héros, je ne peux plus me taire; je n'ai pas une vie très
intéressante, je ne sais point hurler - sans vous je ne respire plus; vous
m'avez fait injure lorsque vous avez douté de la vérité de mes tendresses… ne
m'ayant jamais connue que sur des récits mensongers, vous me croyez sans doute
un être vain: il n'en est rien. Sans vous le monde est vide; je vous ai vu ce
soir - vous m'avez vue aussi - cela suffit à ma félicité…Si je ne sais plus ce que je dis, c'est que je suis folle
d'amour et ne suis plus mes cours d'amour qu’à distance.
Ah, Mon héros, vous savez mal aimer, venez vers moi. Moi
qui voudrait tant être aimée de vous; moi qui ne sais plus vivre sans vous.