Départ de Lausanne

— XLVI —

Lausanne, vendredi 25/12/2015, 05:55:39

Lorsque David Peirse ouvre les yeux dans la chambre 413 de l’Hôtel du Lac, son premier regard est pour l’affichage digital des heures: 5 heures 55, presque son heure habituelle de réveil. Dans le lit, à ses côtés, son compagnon d’une nuit, un homme nu, grisonnant, un peu bedonnant, la cinquantaine — sûrement un citoyen très respectable —, dort profondément! David prend garde de ne pas l’éveiller. Il se lève discrètement, fouille dans le portefeuille du dormeur, en retire une smart card, l’insère dans un petit appareil semblable à un agenda électronique. À son réveil, son très provisoire amant ne s’apercevra pas tout de suite que, pendant son sommeil, une dîme conséquente lui a été prélevée: juste assez pour que la nuit ait été profitable, trop peu pour que sa “victime”, au risque de ternir sa réputation, estime nécessaire de porter plainte. De toute façon, avec le code, il sera toujours possible de soutirer encore un peu d’argent… On verra bien! Mais en général, David préfère s’en tenir là. Son commerce en est plus discret.

Il se lève, se douche, quitte la chambre. Le ciel encore nocturne est splendide. Enserré dans l’écrin des terres enneigées, le lac d’un profond bleu noir réfléchit la surface étale du ciel comme éclairée par la blancheur éblouissante des cimes. Un Noël de rêve, froid, lumineux… franc…

Quand David arrive à la gare, il est plus de six heures trente. Treize des autres membres du groupe sont déjà là. Ils attendent sur le quai l’arrivée du rapide qui doit les ramener à Sion.

- Salut David, demande l’un d’eux, ta nuit a été profitable?
- Oui, grâce à Dieu… Et la tienne?
- Également ! Dieu protège les enfants qu’il aime. Chacun de nous a trouvé de quoi œuvrer pour sa gloire.
- L’essentiel n’est-il pas que chacun use au mieux des dons que Dieu a bien voulu lui accorder ?
- Je crois que notre Maître sera satisfait.
- Que Dieu le bénisse!
- Quel est celui d’entre nous qui manque?
- Notre sœur Esther.
- Où était-elle?
- À l’hôtel de Genève.
- Avec qui?
- Avec moi, dit une jeune femme brune… Hier soir, elle avait trouvé un compagnon. Mais je suis allée me coucher avant elle. Je l’ai pas revue depuis.
- À quelle heure est notre train?
- Six heures cinquante, dit le premier interlocuteur de David.
- Bien, dit David, si elle ne revient pas à temps, Judith et Zébach resteront ici… Nous ne pouvons pas tous attendre!
- Pas de panique, dit un autre garçon, la voilà!

Une heure plus tard, le groupe des quinze jeunes gens descend du train en gare de Sion, remonte jusqu’à la Placette, traverse la rue déserte du vieux pont, pénètre dans le vieil hôtel qui abrite le Centre Théïa de Méditation Relaxative.