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Écrits de Marc Hodges
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1 octobre 2010

Ferme de Deïdou, 19 heures 25

André Pagès regarde, repart et s'en va. Il a trop longtemps appartenu à la solitude et ainsi désappris le silence. Quand il considère sa vie, il est épouvanté de la trouver informe et la vie que l'on ne soumet pas à l'examen ne vaut pas la peine d'être vécue. Certains survivent. Peut-être rêve-t-il à un autre monde… Il n'espère plus l'ailleurs. Passion méticuleuse du silence… Il attend des paroles vraies. Il n'a pas dormi, à peine s'il a mangé depuis plusieurs jours. Les hommes d'ici ont des qualités rares. Il apprécie ces lieux muets, fermés sur eux-mêmes. Le ciel pèse comme un édredon de plumes. Il est d'aujourd'hui et de jadis. Il est entouré d'ombres, pense toujours à plusieurs choses à la fois. Il voit le spectacle. Parfois il parle seul. Seule la rigueur dure. Le coassement d'un corbeau trahit l'épaisseur du calme. Il contemple l'immensité immobile, mais cependant mouvante qui s'étend devant lui. Le monde est là, il en fait partie.

Le temps ne peut pas vraiment compter. "C'est toujours compliqué et délicat de faire revenir les morts, de souhaiter leur retour…" Peu à peu son attention s'éveille en un sentiment jamais connu, comme si passaient en lui des vibrations presque insensibles. André Pagès n'est plus entouré que d'ombres. Il pense que son itinéraire commence où la piste s'efface. Dilatation de l'air… Entièrement façonné par l'homme, le décor révèle sa nature dure et fière, il voudrait pouvoir en décrire toutes les formes. Les lointains se perdent dans de molles ondulations, à la plaine ont succédé les combes, le paysage tout entier baigne dans la couleur verte, un vert comme suri de jaune. La terre est engourdie dans un sommeil sans rêves. Dans ces infinités de nuances du jaune au vert, le franc rouge brique de la terre a tout d'une provocation. Il marche sans jamais s'arrêter, sans se retourner, personne ne peut dire où il va.

Le chien noir et blanc sale tire anxieusement la langue.

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