Marche dans la jungle
— XLI —
Tolag, jeudi 24/12/2015, 12:27:60
“…Une vraie expédition… C’était super, avec des
potes nous avons galéré toute la journée dans cette putain de jungle qui couvre
les monts Amuyao à la recherche de ce satané ruisseau où on nous avait dit
qu’il y avait des pépites d’or. Nous ne cherchions pas à gagner de l’argent,
mais nous avions le désir de découvrir quelque chose, peut-être pas le
Pentagone, ni le pôle Sud… ni peut-être même de l’or, mais quelque chose… Au
moins un ruisseau… Ni mon frère Bertrand, ni son copain Cham, ni ma sœur
Charlotte, ni notre voisin Jayant, ne m’étaient d’aucune utilité. Ils vivent
dans l’imaginaire et ce qui est visible, je suis toujours seul à le voir… Ce ne
sont pas eux qui seraient capables de traverser une rivière à la nage… Nous
avons crapahuté toute la journée dans la boue, creusant un sentier étroit dans
la végétation toujours dense du pays où on ne finit par voir et sentir
réellement que ça. À force d’abattre des buissons à la machette, j’avais mal au
bras gauche. On a marché comme ça plusieurs heures, grimpant des pentes
escarpées, glissant dans des vallées abruptes, jusqu’à ce que le soir arrive.
On n’avait même pas aperçu un village de cabanes en bâtons, pas une terrasse de
riz, on était vraiment dans les zones blanches de la carte. Du moins c’est le
jeu de langage qu’on se jouait dans notre tête, et ça nous excitait bien. Tu
sais comme la nuit tombe vite dans notre pays: il fait jour, il fait
nuit, pas de transitions comme chez toi, pas de vrai crépuscule. Il fait jour,
il fait nuit… Bref, nous avons été coincés. Il a fallu couper des branches pour
faire une hutte, du feu pour éloigner les bestioles. Heureusement nous avions
emporté de quoi bouffer parce que les bananes et les ignames sauvages sont
quand même assez rares même si tu les appelles en tagalog… Bon, c’est pas tout,
tu verras, il nous est arrivé plein d’autres choses, mais je préfère te
raconter tout ça en plusieurs fois. Ça maintient le suspens… Et l’amitié…
Demain il y aura une suite. Ciao…
Ludwig Witt.”