Vers le sommeil
Moéra n'a pas besoin d’insister, Sidney est déjà allongé près d’elle. Il veut la prendre dans ses bras:
- Je t’en prie: laisse-toi faire… Ferme les
yeux, détends-toi, laisse-moi m’occuper de toi.
Les mains douces de Moéra parcourent avec lenteur
la surface électrisée du corps de Sidney, il sent la fraîcheur des lèvres qui,
partant de sa poitrine, en une longue promenade sinueuse, descendent lentement
vers la flèche brûlante de son sexe qu’elles prennent enfin dans un long baiser
frais.
Comme si elle détenait une science consommée de
l’art érotique, Moéra ne se donne à Sidney que lorsque l’ensemble de son corps
à vif ne forme plus qu’une seule blessure d’amour. L’orgasme qu’il éprouve,
comme s’il naissait au plaisir, lui semble être le premier de sa vie. Alors,
seulement alors, Moéra se pelotonne dans ses bras:
- Bienvenue, dit-elle, tu es beau, je t’aime… Dieu
est bon.
- Toi, tu es sublime!
- C’est Dieu qui m’a faite ce que je suis.
- Alors Dieu est sublime.
- Dieu est au-delà de toute qualification, tout ce qui est. Chacun de nous, chaque
partie sensitive de chacun de nous est, dans ses moments les plus intenses,
liée à la transcendance de la sensibilité divine. Quand, dans une union
charnelle, nous éprouvons autant de joie c’est parce que chacun de nous,
délaissant la séparation qui le rend égoïste, se fond… s’oublie en l’autre et
dans cet oubli rencontre Dieu… Sinon l’amour n’est qu’un acte bestial indigne
du créateur et de ses créatures. Une prostitution.
- C’est peut-être pour ça que je n’ai jamais
autant joui avant?
- Sans doute, il t’a fallu découvrir le don absolu
de soi, l’abandon complet, la confiance aveugle. Tu as besoin de nous comme
nous avons tous besoin de toi. Tu dois accepter d’aimer.
- Je t’aime.
Enveloppés dans les bras l’un de l’autre, ils
perdent toute conscience de la durée, s’attardent longuement, se laissent
envoûter par la musique, hypnotiser par les images mobiles et, peu à peu,
s’emprisonnent eux-mêmes dans les vastes filets du sommeil.