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Écrits de Marc Hodges
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15 août 2010

Au Joli Fréso, 8 heures 25

Bréauté n'espère pas que la terre livre ses énigmes, il s'enthousiasme seulement du spectacle de la campagne et tourne cependant en ridicule dans sa tête les évocations qu'elle lui inspire, désire l'immensité de ce vide, le bonheur de ces déserts, sait qu'il n'aimerait pas que ce paysage soit plus habité — a même tendance à dire : "envahi". C'est ainsi. Au loin, un homme vient vers lui… Sur les champs, la lumière prend librement sa vraie forme, dans la plus grande liberté, elle fait voir ce qu'elle est. Apeurées, prêtes à fuir, les brebis lèvent un instant la tête à son passage.

Le poète doit être un professeur d'espérance. Pauvreté invincible. Il connaît assez bien ses possibles. Rien ici ne lui est étranger. Il laisse la porte grande ouverte aux impressions qui pourraient le changer. Quelques timides pépiements d'oiseaux éclaircissent ça et là le ciel. Il peut passer des heures à lancer des pierres au chien infatigable. Il n'a rien d'autre à faire qu'à jouir du spectacle. Il observe, écoute, se rappelle, accuse: il sent.  Il ne veut pas rêver trop fort, a peur de réveiller ses doutes.

L'herbe n'est verte que dans les creux. De ci, de là, un pin chétif troue l'herbe jaune. Son temps tire sa substance et vit de la moralité de temps anciens. Il n'arrivera rien. Il est devant le spectacle. Le ciel pèse comme un édredon de plumes. Bréauté connaît le bonheur d'être celui qui guette. Les rouges, ceux profonds et gras de la terre ouverte, ceux allègres et violents des fruits d'automne, éveillent de loin en loin la crainte dont toute cette paix est faite. Il se sent de connivence avec ce paysage tendant au dépouillement absolu, fin et commencement. Il est mené du dedans par ses souvenirs, à mesure qu'ils lui reviennent à l'esprit et ils reviennent en désordre. Sous son aspect immuable et tranquille, le paysage porte la mort, la diffuse, l'épend sur toute chose. Tous ceux qu'il a aimé autrefois continuent à hanter ses rêves et à fortifier ce dont il se souvient. "Laissez-moi vous dire comment vous devez être aimés!" Tous les jours lui sont sacrés. Le temps semble lourd de fatigue. Le coassement d'un corbeau trahit l'épaisseur du bonheur. Sur le plateau ondulé comme la mer tout disparaît dans des creux de vagues.

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