Un mensonge de plus
Dans le récit
qu’il fait de ma vie,
Jean-Pierre Balpe écrit: «J’étais hier, chez les X…,
une de ces classiques fêtes d’été
à la campagne où accourent les parisiens pour le
week-end. Maison sympathique, vaste jardin, temps idéalement ensoleillé,
enfants agréables et joyeux
courant dans tous les sens. Beaucoup de monde. Compositeurs, peintres,
musiciens, enseignants, architectes, banquiers, hommes et femmes d’affaires diverses, écrivains: ne me demandez pas de
noms… Un univers plutôt intello toujours à la recherche de repères où
je me suis cependant un peu relaxé
à discuter de choses et d’autres. De quoi se réconcilier avec l’humanité.
J’ai confié à
ceux avec lesquels j’étais le
plus intime mon projet d’hyperfiction: j’ai eu l’impression que l’on me prenait un peu pour un fou. Écrire un roman est une chose
normale généralement accueillie avec un
scepticisme poli et seule la publication change ce sentiment. Si l’éditeur est reconnu, ce qui domine
est la prudence: «attendons
de voir s’il a quelque succès. Ce succès entraîne
souvent plus d’amertume et de
jalousie qu’autre chose ; l’insuccès l’apitoiement.
Publié chez un éditeur « petit »
ou inconnu, c’est l’ironie polie, l’attendrissement, ou une pitié élémentaire. Quoi qu’il
en soit les conventions sont établies.
Mais un hyperRoman ! Une fiction qui ne respecte pas les règles commerciales de la fiction !… Que peut signifier un tel
affichage de sortie des cadres établis,
sinon une prétention
exorbitante. Qu’une fiction
veuille se dérouler simultanément sur plusieurs plans et dans
plusieurs espaces, quelle fatuité
; chercher de plus À établir avec d’éventuels lecteurs autre chose qu’une classique relation de lecture,
quelle présomption ! Il est certain que de toutes façons se sera invendable et que,
quatre ou cinq avant-gardistes mis à
part, une telle écriture ne
pourra intéresser personne.
Circulez… »
Même s’il est vrai que nous étions ensemble chez les X…, je jure que je n’y ai jamais prononcé les paroles qu’il me prête.