Paysage avec musique arabe
Tout paraît si simple, si paisible. Un
groupe de pigeons s'amuse avec les voitures. Il n'y a plus ni temps ni urgence,
ni anxiété ni lenteur… Un groupe de travailleurs turcs attend au coin des rues
Pompidou et Jouanard… Les filles qui passent ont toutes de belles jambes. Rien
ne semble pouvoir venir ternir la paix de cette fin de journée d'été. Les
travailleurs travaillent. Calme plat au troisième étage… Tous les événements
sont dans un équilibre instable. Un autre consommateur, attablé devant un demi
de bière mousseuse, est plongé dans la lecture de l'Expansion. Les mêmes
personnes passent et repassent. Un grand noir traverse portant sur l'épaule
droite un transistor stéréo qui hurle un air de rap. La pharmacienne discerne
ce qui se passe. Le jour traîne. Une radio diffuse une musique arabe. Un
marchand à la sauvette installe son étal garni de parapluies à vingt francs, de
slips multicolores vendus par paquets de trois et de chaussettes armoriées. Une
escouade d'agents de police remonte lentement la rue dans des crachotements
nasillards de talkie-walkie; le plus jeune semble s'ennuyer ferme; un d'entre
eux a une démarche de cow-boy. Des talons hauts claquent sur les pavés de
l'impasse. La plupart des fenêtres de la rue sont ouvertes, certaines sur des
trous noirs, d'autres sur des familles ou des visages plus ou moins connus. La
porte de la boutique du fleuriste est grande ouverte. La façade du cinéma
arbore trois affiches : "Rambo V", "Le mangeur de lune" et
"Full metal jacket". Une mouche est prise dans le rideau. Qu'importe…
Soir d'été… Sur les appuis des fenêtres, diverses fleurs — giroflées, camélias
ou spirées — donnent à la rue un air de fête. En vitrine du café un couple
discute avec beaucoup d'animation. Il n'y a rien de vraiment remarquable :
la vie s'étale dans sa banalité la plus suffisante. Une odeur de soupe au choux
s'échappe de la fenêtre de l'étage au-dessous. Les travailleurs travaillent. Un
chat noir miteux mange une arête de poisson qu'il a extirpée d'une poubelle, il
semble inquiet comme s'attendant, à tout moment, à être dérangé. Toute minute
engendre son lot d'événements. Quelques nuages rosâtres paressent dans le ciel.
La fille de Monsieur Charles est à sa fenêtre. Le garçon de café s'affaire d'un
air toujours préoccupé. Un marchand à la sauvette installe son étal garni de
parapluies à vingt francs, de slips multicolores vendus par paquets de trois et
de chaussettes armoriées.