Combe Brouze, 13 heures 11
André Pagès voudrait que son regard soit un flux de
rayons, que résonne dans son corps un monde d'harmonies. L'extrême pauvreté de
ce monde lui est une jouissance égoïste. Bandes. La terre est déserte. Il
voudrait qu'il existe un lieu où le temps triomphe de son inanité. Le vent
s'arrête dans les branches. Le décor se met en place. Ciel de lumière… Il lui
est difficile de comprendre que des changements si insignifiants puissent entraîner
avec eux un tel trouble, continue à scruter le fond de la vallée de sa mémoire,
des ombres l'accompagnent, le protègent, il a pourtant besoin de compagnons
vivants. Mais, il a confiance, se sent bien, parcourt l'immobilité, marche sur
une route: rien n'arrive. Quelles traces restera-t-il de ses propositions?
Il éprouve à la fois un étrange sentiment de malaise et d'inconfort. Ses mots
doivent servir à confirmer les choses, à marquer la possession. André Pagès
réfléchit que les vallées sont là, abruptes, menaçantes, mais n'en veut rien
connaître. Le silence lui est suspect. C'est par mille chemins qu'il faut se
hâter vers l'avenir. Le plateau est comme un soupir dans le passé, un monde
plein de souvenirs et d'espérance… Toute accusation avorte ici. Le décor lui
apparaît ainsi vaguement hostile. Au-delà, des lointains bleuâtres, l'air
lumineux.