Une structure affective parfaite
La largeur d’esprit de Constantin était peu commune
car il ne voyait dans le sexe qu’une activité naturelle, il faisait l’amour
comme il faisait la sieste ou une promenade en vélo, avec la même simplicité,
la même volupté et la même absence de lassitude. Sa sensualité aurait pu
l’amener à fréquenter les filles mais il lui aurait alors fallu payer ce qui
lui semblait à la fois dénaturer l’aspect normal de l’acte et porter atteinte à
l’image qu’il avait de lui-même. Faire l’amour ne pouvait s’admettre que dans
une relation d’échange réciproque, il attendait de l’autre le même abandon que
celui auquel il se livrait lui-même, le même engagement dans l’acte de son être
tout entier : il ne pouvait être satisfait que s’il savait sa partenaire
aussi satisfaite que lui-même. Cette exigence lui interdisait la médiocrité, la
banalisation quotidienne de la sexualité et la ritualisation de l’affection.
L’enfant était alors un aboutissement naturel de ce don de l’un à
l’autre: son couple n’utilisant aucun moyen de contrôle des naissance,
chaque enfant était un cadeau de la nature qu’aucun des deux ne se sentait le
droit de refuser. Que sa venue soit plus ou moins tardive ne leur posait aucun
problème. Ils pouvaient s’aimer sans enfant comme ils savaient s’aimer avec
leurs enfants qui s’intégraient ainsi sans difficulté à leur implexe sentimental.
Cet ensemble de sentiments
constituait une structure affective complexe qui ne trouvait son équilibre que
dans un parfait équilibre des parties qui la constituaient et si ses femmes, la
plupart du temps moins exigeantes ou moins égoïstes, auraient pu s’accommoder
aisément de quelques dérangements mineurs que la vie ne manquait pas, avec le
temps, d’introduire dans le couple, Constantin ne le pouvait pas.