Paysage au pigeon
Un pigeon se perche sur l'antenne de télévision
du 65. Les gens ont l'air heureux. Il y a comme une odeur de poussière
ensoleillée. Le temps s'écoule avec une lenteur calculée. Chaque fait engendre
un autre fait. Circule une femme élégante tenant, tiges en haut, un grand
bouquet. Elle porte une robe à fleurs et un grand chapeau de paille de riz. Un
taxi dépose Monsieur Rémy devant l'entrée du 56. Tout paraît si simple, si
paisible. Les pigeons s'acharnent à badigeonner la grotesque statue du square.
Quelque part dans le quartier, un ouvrier tape avec un marteau. Le chien blanc et noir de la prostituée
du 24 dort sur un emballage de vêtements. L'éventration du 85 de la rue des
pleus révèle les anciens papiers peints des appartements qui font comme un
immense Mondrian de couleurs vives. Un couple de jeunes gens se faufile se
tenant par la main ; aux regards qu'ils posent constamment l'un sur
l'autre, on sent qu'ils sont très amoureux. Entre les plate-bandes engazonnées,
une flaque d'eau boueuse témoigne d'une récente pluie. Les jeunes filles ont
les joues rouges, les jeunes gens des regards allumés. Les habitants regagnent
lentement leurs appartements. Un touriste, vraisemblablement américain, vêtu
d'un blue jean et d'un tee-shirt coloré, photographie les vitrines de mode.