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Écrits de Marc Hodges
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26 juin 2010

Histoire du Capitaine Nounours et de la Princesse Leïla (09)

La nature de la réalité extérieure leur restant obscure, les seuls rapports réels qu’ils entretenaient avec le monde passaient au travers du tamis de leurs imaginaires. Don Quichotte sans esprit ni chevalier ni réformateur, ils ne voyaient du monde que ce qu’ils pensaient devoir y être et les personnes qu’ils y rencontraient, que ce soit La Beude, Armelle, Wilfrid ou CMKK n’avaient forme et densité que dans l’exacte mesure où ils s’intégraient à leur mythologie personnelle. Korydwen Kavanez n’existe pas davantage pour la Princesse Leïla que Benito Juarez pour le Capitaine Nounours. C’était une reine, il était son Capitaine ce qui, dans son esprit peu pragmatique, correspondait davantage à un Général en chef de ses armées imaginaires, ou plus exactement un amoureux tout dévoué à la défense de son corps et son âme. Comme elle était inoffensive, elle ne courait aucun risque, n’était jamais menacée, aussi rien ne venait jamais contrarier cette certitude. Elle était là ou là, il était là ou là, fidèle au poste, apparemment solide, apparemment protecteur, elle se savait en sécurité et pouvait s’appuyer sur ses épaules. Leur vie était des plus placides et banales mais ils y vivaient des fantasmagories inouïes : qu’un groupe de gitans guitaristes venant s’établir au camping, improvise un soir, autour d’un feu de palettes abandonnées, une session musicale et c’était une tribu sauvage venue de terres lointaines faire allégeance et lui porter tribut. Princesse Leïla n’avait cependant aucune idée de ce que ce lointain pouvait être ni comment il pouvait se mesurer. Elle n’avait d’ailleurs aucune idée de la mesure, ne de sa nécessité, ni de sa concrétude phyique, l’expression « terre lointaine » fonctionnait de façon hologrammatique comme un bloc de sens porteur de parfums, d’odeurs, de couleurs, de sons et de paysages imaginaires et si quelque esprit par trop rationnel ou ratiocinateur essayait de lui faire dire ce qu’elle entendait par là, il s’entendait répondre sur un ton d’évidence irréfragable et catégorique « comment parler des pays lointains si on les a pas déjà visités » ou « la présence de ces lointaines tribus sauvages est la preuve de ces possessions lointains qu’elles viennent mettre sous ma bienveillante protection » ou « les terres lointaines sont celles qui sont lointaines, rouges, couvertes de frangipaniers, de bouleaux jaunes, de marronniers du lointain, qui sentent la cannelle et où les vents ont la douceur des caresses de Capitaine Nounours ». Généralement tout esprit géométrique abandonnait là ses questions irrévérencieuses.

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