Combechave, 20 heures 21
L'espace s'entoure d'espace. Les forêts et les rochers se
taisent. Le silence lui est suspect. Bréauté regarde, s'étonne, s'en va. Blanc
et blanc cassé… Son bonheur se construit d'absences. Il respire le soleil. Des
ombres l'accompagnent, le protègent. Il appelle les paroles qui apprivoisent le
cœur. A quoi bon refuser d'être? En lui, tout doit et veut se réunir. Il sait
que la terreur est un privilège. Quand il considère sa vie, il est épouvanté de
la trouver informe. Il est mené du dedans par ses souvenirs, à mesure qu'ils
lui reviennent à l'esprit et ils reviennent en désordre. Cet homme qui passe au
loin, les yeux comme perdus dans une grâce de beauté, pourrait être l'oncle
qui, avec tant d'amour, lui apprit autrefois la magnificence rude du paysage. Il
n'a rien d'autre à faire que jouir du spectacle. Le vent a cette qualité rare
d'être porteur d'éternité. Les hautes terres déroutent…
Bréauté respire à pleine poitrine comme quand on boit :
le temps gagné devient du temps perdu. Ses mots sont douloureux. Il n'est pas
le seul à subir. Son activité incessante est de rechercher en lui des
harmonies, d'harmoniser ce monde qu'il porte en lui. Le silence lui est
suspect. Il faudrait mettre tout cela au futur! Un monde plein de souvenirs et
d'espérance… Quelles traces restera-t-il de ses propositions? Un besoin de paix
l'envahit. Toute la lignée de ses ancêtres s'agite toujours en lui, insiste
pour venir au jour, résiste à l'oubli de cette terre… Qu'est-ce que l'homme pour
qu'il ose faire des projets? Il n'est pas pressé. Comment continuer à vivre
s'il n'y a plus de questions à poser? Des souvenirs l'envahissent comme des
flammes.