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Écrits de Marc Hodges
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31 mai 2010

Croupillac, 7 heures 02

André Pagès est mené du dedans par ses souvenirs, à mesure qu'ils lui reviennent à l'esprit mais ils lui reviennent en désordre. Il a besoin de parler à ces gens qu'il ne connaît pas, mais redoute leur rencontre. Le paysage, c'est à l'intérieur de lui-même qu'il le porte au point qu'il se demande parfois si tout ce qu'il parcourt là est un monde réel ou, plutôt, s'il n'est pas de l'ordre de l'imaginaire. Il sent dans l'air la présence impalpable du malheur, aime les mots lavés par la pluie, usés par le soleil; autour de lui, le paysage est désolé, pas de végétation, mais des pierres, des pierres… la pierre, la simple pierre rencontrée, noyau anodin, témoin délaissé, lui est signe. Sa route est solitaire. Merveille et calme. Il se sent fort, hésite, va encore, respire à pleine poitrine comme quand on boit. Les vautours sont toujours trop loin pour son regard. Il est de plus en plus surpris par l'effet que produit en lui cette chose qui ne cesse de le pénétrer, ne sait comment se comporter ici.

Il ne vient personne, il faut tout mettre au passé… Les petites collines sont parsemées de tâches vertes. L'herbe est fourmillante de soupirs. Pourra-t-il jamais acquérir la sérénité?… André pagès a tout son temps. C'est un lieu d'adieux. Le rythme court des genévriers creuse l'espace du plateau. Soudain il se sent bêtement heureux. Le monde est au bord de lui-même. La vie est si irréelle. Il n'a jamais cessé d'être à la recherche d'un point fixe, sommet de tous les sommets, d'où tout le paysage se découvre: collines, brebis, genévriers et fond de clarinette. Son oreille se tend dans le silence sur un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. Voir, revoir… Il est incapable de dire ce qui du souvenir ou du présent l'emporte. Il est là, change de place sans bruit, il n'est rien qu'œil et oreille, prend sa couleur des choses sur lesquelles il repose. Ses parents persistent à grandir en lui. Des ombres l'accompagnent, le protègent. Le temps est devenu tout mou. La vie lui fait mal à petits bruits, à petits gorgées, par les interstices…

La mort, ici, n'a jamais tué personne.

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