De Clyde Smith à Isadora Underhill
Écrit de Saint-Aignan-le-Jaillard, de la rue de la
barbacane - je ne m'attendais pas, Isadora, à vous écrire encore et encore -
que vous dire Isadora. Mes voisins me considèrent comme sympathiques -
j'accepte la part que vous m'offrez - ma passion pour la photo vient de ce
qu'elle fige à jamais les choses et surtout les êtres. Mon âme est tendue… je
souhaiterais infiniment que vous eussiez autant de penchant à m'accorder que ce
que je désirerais de vous, pourrais-je vivre un moment sans vous; serais-je
continuellement dans des terreurs de vous perdre… je ne vis que dans la mémoire
des journées passées avec vous, je vous aime si fort que je pourrais vous
adorer quand vous m'aurez obligé à avoir de la reconnaissance, en m'accusant de
folie croyez-vous détruire mon amour; je ne vais nulle part.
Comment vous dire toute la volupté que j'ai à vous voir,
comment pourrais-je, Isadora, vous oublier; je m'installe dans l'attente. Il
n'y a rien que je ne puisse faire pour vous prouver combien je vous aime, jugez
ce que tout cela peut faire sur un coeur qui n'est ni insensible ni ingrat, peut-être
êtes-vous bien loin de ce que je ressens; votre lettre est venue me rappeler
que la passion est ce qu'il y a de plus éblouissant dans la vie. Pourquoi votre
bonté se dément-elle un jour - j'ai la certitude absolue de ne pouvoir vivre
sans vous… je vous aime, vous ne connaissez pas mon cœur il est triste et
impalpable… je veux juger des considérations que vous avez pour moi, niant
l'amour, je nierais dieu, la passion me fait estimer que vous avez pu changer
d'attachements, fin'amors m'asegura (mon amour me protège). Comme les amoureux
sont fragiles, je n'ai plus assez de mon âme elle est toute à vous; jugez de ma
lassitude.
Adieu, je vous embrasse: écrivez-moi…
Clyde