De Thomas Knoll à Isadora Underhill
Je ne pourrai plus vivre sans vous, je vis comme une plante m'emplissant
de soleil et de lumière, de couleurs et d'air frais… je porte quelque chose
dans le coeur, sans vous je ne respire plus - je ne vous saurais dire ce que
tout l'univers vous dit… revenez me rassurer par votre présence - quand je vous
contemple, quand mes regards vous dévorent, quand chacun de vos mouvements
porte le délire dans mes sens, un geste de vous me repousse et me fait
trembler. Je ne cause de tristesse à personne - j'estime que Saint-Aignan-le-Jaillard
n'est qu'un vaste système de signes d'amour, parlez-moi de vous… votre absence
m'est un supplice de tous les moments, qui tiendrait une place plus grande dans
les jouissances que j'attends; vous êtes mon soleil, ma lune, mes étoiles, mon
espace; je suis débordant de doutes et mon existence m'a toujours paru
ironique. Je vous ai dit en rêve toute la nuit les plus belles choses du monde,
prenez pitié de moi.
Je suis à Saint-Aignan-le-Jaillard pour quelques jours,
l'amour s'impatiente. Nos pas n'obéissent jamais au hasard - je ne retiens
aucune leçon - si vous sentiez un peu de ma torture (s'acsetz un cartier de la
dolor que-m malmena) vous comprendriez ma terreur (be viratz mon encombrier); on
ne peut pas revenir sur ses pas.
Vous oserais-je demander pourquoi vous dites tant de mal
des hommes… je ne sais par où commencer, une nouvelle période de mon existence
a débuté avec vous; l'image du petit garçon à culottes courtes courant au
milieu de ces terres d'herbes brouille le regard que je porte sur le paysage,
pourquoi faut-il que vous me parliez de Liz ? Qu’un homme est à plaindre
quand il aime, en ce monde égoïste la passion seule sauve; mais vous devez
trouver cette lettre un peu incompréhensible.
Adieu, voilà ce que j'avais à vous faire savoir.
Thomas.