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Écrits de Marc Hodges
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30 avril 2010

Message de Boèce de Dacie

— XXXIII —

Paris, jeudi 24/12/2015, 00:39:60

Le temps est toujours exécrable : très froid, haché de fréquentes giboulées de neige gelée fouettant à poignées le vasistas opaque de la chambre. Sidney n’a rien à faire… Comme d’habitude. Il n’a jamais aimé l’approche de Noël, cette fête pour familles unies et personnes opulentes. Il se sent plus seul que jamais. Il a l’impression forte de n’être sur terre qu’un insecte fragile à la merci de n’importe quel incident. Même le plus ridicule. La banalité de cette constatation lui montre qu’il n’est guère différent des autres, renforce sa mauvaise humeur. Il n’existe pas. Se dit qu’il n’a jamais réellement existé. Cette pensée enfonce dans sa gorge une poire d’angoisse qui l’étouffe. Il n’a nulle part où aller, rien à faire. Personne à aimer ; personne qui l’aime. Le seul but un peu clair qu’il se connaisse est celui de survivre, au jour le jour, sans visées, sans espoirs… sans illusions.

Affalé sur son lit sale, regard perdu dans les taches grisâtres d’un plafond sombre, mains tressées sous la nuque, il s’égare dans des taillis sans perspectives de pensées confuses d’où il ne sait comment sortir, s’enfonçant toujours davantage dans une morosité apathique qui l’épuise d’inaction. Pour se laver le crâne de ces miasmes délétères, il lui faudrait faire quelque chose, n’importe quoi… s’obliger à bouger… mais il est incapable de se donner un but et l’idée qu’un peu partout autour de lui, d’autres individus sont pétris d’affection et de joie l’enfonce toujours plus dans la boue nauséeuse de sa conscience, la solitude crasseuse de sa bauge. Lui qui se voudrait insensible, dur, est au bord des larmes… Il quitte le plafond des yeux, regarde autour de lui comme s’il voulait se forcer à trouver quelque chose, un indice, un signe qui lui donnerait le courage de s’arracher à cette vase qui l’enlise. Son regard s’arrête sur la brochure à couverture noire piquetée d’or que lui a remise Boèce de Dacie, celui qui se faisait appeler le Maître-Intercesseur. Il la prend, l’ouvre et, bien que persuadé qu’il ne peut y trouver beaucoup d’intérêt, commence à la lire :

“Mes frères, l’homme n’est qu’un instrument entre les mains du Dieu d’Ordre et de Perfection qui n’en use qu’à Sa guise pour des desseins insaisissables à SES créatures. Les hommes ne peuvent que se taire et contempler ; ils ne peuvent que s’abandonner avec confiance à SES mains qui les ont pétris et les portent vers l’avenir auquel, de toute éternité, IL les destine. Il n’y a pas d’individu mais un troupeau d’êtres indistincts et, dans les épreuves de la tempête, seuls ceux qui feront une confiance absolue au Berger sauront trouver le chemin qui mène à la bergerie. Dieu ne connaît rien d’autre que lui-même, le libre arbitre est une puissance passive mue par les nécessités du désir. Qui se croit libre s’oppose. Qui s’oppose se perd.

Le péché suprême est le péché d’orgueil : l’homme ne pense pas, il est pensé par Dieu.

Tout ce qui advient ici-bas est soumis à l’empire nécessaire des forces célestes. Les orgueilleux qui prétendent le contraire ne sont que marionnettes manipulées par la force noire du Chaos car la volonté humaine ne veut et ne choisit que par nécessité. Il n’y a en effet qu’un seul intellect numériquement identique pour tous les hommes au sein duquel, au service de SON but suprême, des forces apparemment antagonistes mais en fait complémentaires dans l’avancée qu’IL pense et veut, combattent, jusqu’à la fin qu’IL s’est donnée. Forces de l’Ordre et du Désordre, tensions fécondes de l’Unique et du Multiple.”

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