Valbelle, 8 heures 31
Les champs sont minuscules et fragiles. Quelques pins
solitaires torturés par la chaleur, le froid et le vent rappellent les rigueurs
extrêmes du climat, il n'y a personne. L'horizon merveilleux équilibre l'espace
sur l'espace. Devant lui le ciel caresse lentement le sol, derrière lui ciel et
terre se fondent… Stries de vert-blanc. Il voudrait réinventer à partir
d'elle-même la terre, l'air et le feu sans jamais être paralysé par leur
beauté. Bréauté se sent soudain si fragile. Il ramasse quelques brindilles. Pas
de surprise. Un oiseau dans l'air serait le bienvenu. Il y a en lui un désir
d'amour qui parle le langage de l'amour. Ici, le passé ne délimite pas la
durée. Bréauté pense n'avoir jamais été empli de mouvements plus doux. Ce
désert est habité de calme. Il respire à pleine poitrine comme quand on boit.
Comment gagner ce fragile et absurde pari où chaque destin se joue sur celui
des autres? Les souvenirs l'envahissent comme des flammes. La plaine ne se
termine qu'au ciel. Il parcourt l'immobilité, rêve que c'est le contraire d'un
pays à idées fixes : sa grandeur même évite la majesté. La terre est
déserte. Il crispe les doigts.
Pierre vert-noir… Son oreille se tend dans le silence sur
un vide en lui qui n'a, soudain, aucun écho. Partout l'ocre clair du calcaire
affleure. Il se demande si le pays qu'il incrimine est le pays réel ou une projection
de son imaginaire, ferme les yeux, les rouvre, les referme. Son cœur hésite
entre rouge feu et mauvais fixe.
Les heures indifférentes s'empilent les unes sur les
autres. Enchevêtrements de buissons épineux et amoncellements désordonnées de
pierres protègent le spectacle de la tentation de la civilisation. Avec le
temps, il a changé d'attitude envers la mort; et elle l'a changé… S'il lui faut
s'abuser, il aime mieux que ce soit dans le sens de la confiance.