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Écrits de Marc Hodges
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11 avril 2010

Les clients du camping

Des passants, il y en avait de nombreux dans le camping et généralement Wilfrid n’y prêtait pas attention, il avait autre chose — bien qu’il ne sache pas vraiment quoi — à faire. Ça dépendait aussi des époques, bien sûr… Et des gens. C’est vrai que le camping n’avait rien d’un trois étoiles avec ses « sanitaires » mal blanchis où des douches ne coulait qu’un filet d’eau vaguement saumâtre (elle devait être pompée dans l’espèce d’égout boueux qui s’appelait le Merdanson, un nom tout à fait adapté, vaguement filtrée pour retenir les grosses bêtes, les petites, celles qu’on ne voyait pas, devaient elles s’en donner à cœur joie… enfin…) et son épicerie où la marchandise était enfermée derrière des grillages et délivrée contre argent trébuchant comme à contrecœur par le fils du patron, un gamin à peine dégrossi d’une vingtaine d’années qui devait être encore puceau et, derrière le trou de son comptoir barricadé s’imaginait être le patron d’une grande banque. Pas sympathique… Mais Wilfrid n’avait pas les moyens de se payer une autre caravane ailleurs. Ici c’était plutôt crade, sommaire, ça lui allait bien, lui aussi était comme ça, il n’avait rien à prouver à personne et il y avait bien longtemps qu’il avait renoncé à faire le beau… Passons. Tout ça pour dire que des trognes, il en avait vu défiler, de toutes sortes, des jeunes, des vieilles, des cadavériques, des obèses, des rougeaudes, des pâlasses, des noires, des jaunes et de toutes les variétés imaginables de brun depuis marron tête de nègre jusqu’à terre de Sienne brûlée. Une vraie anthologie. Heureusement qu’il n’y prêtait pas plus attention que ça, il avait sa vie. Un temps même, il avait La Beude et ça, il le regrettait, mais que faire, la vie c’est la vie, on naît bougnat ou mauricien, rentier ou trimardeur, on n’y peut rien. Pourtant il se souvenait de quelques uns : Capitaine Nounours et Princesse Leïla, Oreste et Hermione, Albertine Schwilk, Thomas Knoll, tous des gens étranges qui l’avaient attiré par leur originalité, leur mode de vie inclassable et qui lui rappelaient sa jeunesse quand lui aussi avait fait la route parcourant l’Europe en tous sens de la Bretagne à l’Écosse et de l’Écosse à l’Andalousie. Du chemin il en avait fait avant de décider, sans trop savoir pourquoi (La Beude y avait été pour une part) de s’enraciner dans les quelques hectares de ce quartier perdu de Montpellier d’où il ne sortait presque plus jamais.

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