Un vieux couple
La mercière seule, rentrant chez elle, doit, une fois de plus, se livrer à la chasse aux cafards qui envahissent sa cuisine dès la tombée de la nuit. Elle pense que la potion d’Yvré n’est peut-être pas efficace puis, qu’il faut peut-être attendre un peu avant que la tribu des blattes se décide à suivre ses membres disparus pour aller se noyer dans l’eau bénite. Pleine d’espoir, elle va se coucher.
Huelgoat, mercredi 29
mai, 1 heure 25
«C’est ainsi qu’ils
s’entretenaient en la demeure d’Hadès dans les profondeurs souterraines…»
Odyssée, chant XXIV
Huelgoat, mercredi 29 mai, 10 heures 06
«Salauds, ce sont
des salauds», se répète Zabre marchant à vive allure sur le chemin de la
forêt.
Lui : visage
allongé, bouche ombragée d’une très fine moustache blanchissante, peau ridée
(non comme les travailleurs de plein air aux visages burinés, mais de façon
fade et lâche), quelques rides molles, oisives, graisseuses malgré la maigreur générale
des traits. Un petit homme malingre, très soigné, vêtu d’une longue redingote
noire, cintrée, chapeau melon un peu rapé que l’on devine brossé avec soin des
usures du temps.
Elle : visage un
peu duveteux, traits fins maintenant une certaine beauté (on dit : "Elle
a dû être belle!"), peut-être due à la limpidité extralucide d’un
regard gris très bleu sans cependant de réelle vivacité mais plutôt une
certaine impression de résignation, d’acceptation de l’existence du monde tel qu’il
est. Une vieille dame digne, toute menue, sanglée dans une gabardine noire trop
longue, coiffée d’un chapeau désuet arborant comme une armoirie un écusson de
fleurs champêtres. Au bras droit, un parapluie noir brodé de délicates fleurs
mauves.