D'Isadora Underhill à Thomas Knoll
Modèle idéal, je viens de relire votre lettre, pourquoi
avez-vous la dureté de ne rien me dire, je ne passe que de mauvaises nuits. En
vous disant adieu, Thomas, je vous prie de ne plus voir Liz. Mais que vous dire
que vous ne savez déjà, tout cela est vrai, je suis musique car je n'aime plus que
la musique, le silence radical de la nuit ouvre mon âme au rêve… matin
où la lumière baigne tout, fond de ciel bleu; tout savoir est une
interprétation, je dis : "ce qui est fait n'est pas fait"… le soleil
mitraille Saint-Aignan-le-Jaillard.
Toujours mes mots ont dépassé mes actes - qu'ajouter à
cela je suis détestable envers tous ceux qui ont le malheur de s'intéresser à
moi. Thomas, Saint-Aignan-le-Jaillard m'obsède depuis notre rencontre… le
paysage se perd, je suis un rêve. Vous ne pourriez me voir mourir sans être
touché, je souhaite que vous m'aimiez autant que je souffre - si je ne vous
aimais avec élan, prendrais-je garde à vos dissimulations: ne
m'abandonnez pas. Vous m'avez fait injure lorsque vous avez douté de la vérité
de mon bonheur… ma tête tourne, il n'y a rien que je ne puisse faire pour vous
prouver combien je vous aime - je feins le bonheur… pourtant je souffre (sitot
fatz de joi parvensa, mout ai dins lo cor irat), je cherche des preuves de mon
amour… les chants des trouvères se brisent entre les bois et la campagne:
pas besoin de faire de politique pour savoir que tout paysage n'est pas ce
qu'il devrait être.
Isadora